Dolce farniente – suite

“Les problèmes sont des opportunités en vêtements de travail.” (Henry H. Kaiser)

Avril 2018. Pâques. Je ne me rappelle plus ce que je faisais. Je jonglais certainement entre les obligations familiales et les révisions, en jouant à la Wonder Woman. Puisque ce n’est pas grand-chose de reprendre les études à quasiment 40 ans, surtout lorsqu’on ne travaille pas…

Mai 2018

Mon fils cadet attrape une bronchiolite. Il n‘a pas de fièvre et la pédiatre refuse de lui donner un antibiotique. Je bosse seule sur un projet d’équipe : mon coéquipier a un gros souci de santé et doit se faire opérer. Ma coéquipière, célibataire sans enfants, est sous l‘eau dans son entreprise et ne peut consacrer que très peu de temps à ce projet. Mais puisque je suis au chômage, elle me fait comprendre qu’elle me laisse avancer…  

Je dors très peu, je veille sur mon fils qui est très faible, transparent et a du mal à respirer. La présentation du projet a lieu le lendemain. Le petit n’a rien avalé depuis cinq jours, à part le jus de pomme qu’il ne refuse heureusement pas, et maintenant il a bien de la fièvre. Son état s’est aggravé depuis le début de la semaine. J’appelle mon mari à la rescousse. Je le supplie d’exiger un antibiotique à la pédiatre ou d’emmener le petit aux urgences. Moi je suis exténuée. Face à mon mari, un homme, un Français, elle prescrit l’antibiotique. Le petit ira mieux dès le lendemain…  J’ai bouclé le projet, mais je sens que sur le plan relationnel le bilan est plutôt mitigé : colère contre les médecins, déception vis-à-vis de ma coéquipière.

J’aurais certainement dû lâcher prise sur ce projet et en faire beaucoup moins vu les circonstances. Mais à cette période de ma vie, je ne savais pas lâcher-prise…

Juin 2018

Un moment d’accalmie à la maison, mais des tensions commencent à apparaître parmi les camarades de promo. Normal. Entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui partent en vacances avant l’été et d’autres qui ne partiront qu’après l’été… Pas évident de s’adapter les uns aux autres, de gérer les disponibilités de chacune et chacun sur les différents projets qui s’enchaînent et les délais sont toujours très courts. Après l’expérience du mois de mai, je commence tout doucement à accepter l’idée que je ne peux pas être aimée par tout le monde et m’entendre bien avec tout le monde. J’en ai marre de m’adapter constamment aux autres et de sacrifier mon équilibre familial et mon équilibre à moi…

Je décide de m’affirmer quant au choix de mes coéquipiers et quant à la gestion de ma disponibilité sur les projets.

Ça tombe bien, je m’entends très bien avec deux personnes, et nous sommes complémentaires en termes de compétences. Nous décidons de travailler désormais ensemble sur les projets à venir, quitte à imposer ce choix aux autres étudiants et aux profs.

Juillet 2018

Mon père aura 65 ans. L’an dernier j’ai organisé une fête surprise pour ma maman pour ses 65 ans. Cette année tout le monde s’attend à ce que je fasse la même chose pour mon père. Je leur explique que ce n’est pas possible car j’ai mes cours et de multiples projets à rendre. De plus, les billets d’avion en juillet ça coûte cher pour une famille de 4 personnes, et en septembre nous nous rendrons au pays pour le mariage de mon petit frère. Le budget est restreint depuis que je ne travaille pas et je ne peux pas être partout.

Je priorise donc en fonction des valeurs héritées de ma famille d’origine : le travail avant tout. Les distractions toujours au second plan.

Août 2018

Quinze jours dans un camping dans les Landes, deux gros dossiers à rendre à la fin du mois. J’emporte partout mon téléphone et dès que je peux, je cherche des infos, je note des idées, j’écris à mes coéquipiers. Le soir mon mari et nos enfants vont aux spectacles organisés par le village des vacances, pendant que je reste dans le mobile-home à l’abri des moustiques pour mettre à plat les infos et idées récoltées pendant la journée. Ils sont tristes que je ne puisse pas les accompagner. Ma motivation est heureusement plus forte que ma frustration. Dès le retour des vacances, j’enchaîne sur les Cours Florent Exécutive, non obligatoires, offerts par l’École dans le cadre de la formation. Une vraie opportunité, mais aussi un énorme investissement en temps et en énergie. Prise de parole en public, gestion des situations managériales, jeux de rôles, improvisation, lâcher-prise, leadership, et j’en passe.

Reboostée à bloc, je gagne énormément en confiance en moi grâce à cette magnifique expérience. C’est le début de ma mue…

Septembre 2018

Mariage de mon petit frère. Je vais louper quinze heures de cours dont plusieurs heures avec de nouveaux profs. Cela me stresse beaucoup de ne pas y être. Mais il ne me reste que de faire confiance à mes deux camarades pour qu’ils m’envoient les supports de cours et aussi sur les projets à avancer. Puisque je serai hors circuit pendant plusieurs jours. Nous partons vendredi et retournons lundi, mais le fait de ne pas beaucoup dormir me cassera pour une bonne semaine. Je supporte de moins en moins la vie nocturne. Par ailleurs, la tension entre mes parents et moi est palpable, je ne les ai pas vus depuis un an, et nous échangerons à peine pendant ce mariage…

Sans parler de ma grande sœur qui, le lendemain du mariage, ma lancent plusieurs flèches bien empoisonnées. « Tu ne fous rien, ton mari bosse pour vous quatre ! Et en plus il a l’air très malheureux avec toi, ça saute aux yeux ! »  Impossible pour moi de continuer à supporter son attitude nocive à mon égard. La coupe a débordé.

Elle a largement dépassé toutes les limites. Je l’ai certainement laissée faire, question d’habitude… Depuis presque 40 ans.

Octobre 2018

Mon fils aîné à des crises de toux nocturne. La même pédiatre qu’au mois de mai, ne sait pas ce qu’il peut bien avoir, comme d’habitude j’ai envie de dire. À nouveau je dormirai très peu de mi-septembre à fin novembre, tout en révisant pour les examens, bossant sur les projets… Mon enfant aura plusieurs traitements : anti-reflux, antiinflammatoire, antihistaminique, antiparasites, traitement de fond pour de l’asthme… Et si tout simplement on lui faisait une prise de sang et des radios au lieu de le bourrer de tous ces médocs sans savoir ce dont il souffre ?  « Madame, vous n’avez pas fait 10 ans de médecine… » comme seule réponse. Je change de médecin. Selon lui, soit mon fils a eu une coqueluche (et c’est ce que je disais dès le départ), soit c’était psychosomatique…

Leçon à retenir : je n’ai pas 10 ans en médecine, mais je suis une mère qui connaît bien son enfant et qui a de très bonnes intuitions. Faire toujours confiance à mon intuition et m’affirmer davantage.

Novembre 2018

Je lance le blog. L’idée a mûri depuis un an, le temps de digérer certains évènements passés, le temps d’aller mieux.

Pourquoi n’ai-je rien écrit depuis toutes ces années ? Pourquoi avoir occulté cette partie de moi ?

Décembre 2018

Le projet de fin d’année aura lieu une semaine avant Noël. La tension monte. Et si un enfant tombait malade ? Et si moi je n’étais pas en forme ce week ? La constitution des équipes pour ce projet final, qui aura lieu dans les locaux de l’école, s’annonce compliquée. Nous connaissons bien maintenant les points forts et faibles des uns et d’autres, personne ne veut prendre le risque d’avoir un maillon faible dans son équipe. Ou pire d’avoir dans son équipe une personne avec qui on n’a aucune complicité ni affinité.

Dix jours avant l’épreuve finale, mon fils cadet, 4 ans, se fait violenter à l’école par un copain de classe

Le week-end du global digital project arrive. 24 heures chrono. Une équipe de tonnerre. Celle que j’aurai choisie et qui m’aura choisie. Deux journées et une nuit blanche pour réussir.

Janvier 2019

Je repense à ce que le directeur de l’école nous a dit au début du cursus :

« Personne ne sort indemne de cette formation, à la fin vous allez soit quitter votre travail soit quitter votre conjoint. »

Février 2019

Diplôme en poche.
Soulagement… Fierté… Fatigue…
Il me reste six mois de chômage. Dolce farniente !

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