Petit lutin du Papa Noël

Un jour de la semaine. Je récupère mon petit garçon de quatre ans au centre de loisirs de l’école maternelle. Il a des marques de doigts et trois écorchures sur la peau du cou.

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C’est un enfant peu bavard et réservé. Je lui pose des questions. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui te l’a fait ? Réponse : « Je me suis fait mal tout seul ». Il ne raconte jamais ce qui se passe à l’école. Contrairement à son grand frère qui dévoile tous les détails de ses journées. Le petit, dès qu’il quitte l’école, en fait complètement abstraction.

La petite section s’est plutôt bien passée, malgré sa timidité innée. Mais depuis septembre dernier, j’ai remarqué qu’il y va un peu à reculons. Le soir, quand je le récupère, il a souvent mal au ventre. Je l’ai même emmené une fois chez une pédopsychologue – elle m’a dit qu’il allait très bien et que ce n’était pas la peine de revenir la voir dans l’immédiat. OK, je suis une mère parano, ce n’est pas pour la première fois qu’on me le fait comprendre. Jusqu’à la preuve du contraire.

Je creuse, j’essaie de savoir pour son cou. On dessine. On joue. On fait le bain. Son grand frère s’y colle aussi. Le petit bonhomme se détend tout doucement et me raconte peu à peu ce qui s’est passé. C’était en classe. La maîtresse discutait avec une autre. Un copain lui a attrapé le cou avec ses deux mains pendant qu’ils étaient en train de jouer.

Le signal envoyé à son cerveau : jouer est dangereux !

La tension accumulée dans le petit corps de mon enfant est palpable lorsqu’il me le raconte. Il a honte. Il a peur. Ses lèvres tremblent. Il est persuadé que c’est de sa faute. Cette fois-ci, j’ai vu les marques sur le cou. Et toutes les autres fois où il n’y avait pas de marques ? Et combien de fois j’ai entendu des adultes dire :

Il faut qu’ils apprennent à régler leurs problèmes entre eux.

Est-ce qu’un enfant de trois ou quatre ans peut gérer seul ce type de problèmes ? Son cerveau n’a pas encore terminé de se développer. Tellement d’adultes n’arrivent pas à gérer leurs propres problèmes, alors imaginer qu’un petit saura gérer les siens tout seul… C’est aberrant.

Je connais des parents d’enfants déscolarisés à cause de problème avec des enfants violents, agressifs, harceleurs. Je connais des parents qui paient entre 700 et 1 000 euros par mois pour des écoles privées (Montessori et autres) où leurs enfants ont plus de chance de se retrouver dans un environnement « sans risque » ou avec moins de risque qu’au Zoo de Vincennes dans une cage avec un animal sauvage. Nous faisons tout pour leur inculquer les bonnes manières, pour leur apprendre la politesse, la serviabilité. A quoi bon ?

Comment voulez-vous que cette petite tête qui entend tous les jours qu’il faut être gentil avec les autres et qu’on n’a pas le droit de leur faire mal, comment voulez-vous qu’il comprenne ce qui lui arrive et pourquoi cela lui arrive-t-il, lorsqu’il se fait agripper au cou par un camarade de classe.

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D’accord, je ne dis pas que cela n’arrive pas de se chamailler entre copains, des petits coups par ci par là. Les garçons, c’est comme ça, à ce qu’on dit et à ce qu’on a pu observer (sans se référer à des études scientifiques).

Mais deux mains autour du cou d’un camarade et des ongles enfoncés dans la peau, ça me révolte.

Ce n’est pas la crèche où les bébés peuvent avoir des comportements instinctifs non contrôlables – mordre un copain par exemple, sans se rendre compte de la nuisance de leur geste. Cela fait un an qu’ils sont scolarisés, et ils sont censés avoir acquis non seulement la propreté et le langage, mais également de bonnes bases de fonctionnement en société.

Quelle marge de manœuvre avons-nous, les parents de ces petites victimes, pour que cela ne se reproduise pas et pour que notre petit garçon aille à l’école avec plaisir ? Pour qu’il s’y sente serein et en sécurité ? Discussion avec la maitresse et la directrice de l’école, c’est fait. Mais les choses vont-elles changer réellement ? Les parents du copain violent, que feront-ils pour y remédier ? Probablement rien ou pas assez… La maîtresse nous a expliqué qu’ils sont venus en France tout récemment. Le copain et ses parents ne parlent pas français. Comment leur expliquer ce qui s’est passé ? Et eux, sauront-ils expliquer à leur petit garçon que ce qu’il a fait est dangereux, sans utiliser de violence envers lui ? En fait, je pense qu’ils ne se rendront même pas compte de l’effet que cela a fait sur mon petit garçon…

Je me dis que mes enfants ont énormément de chance. Je ne suis pas… je ne suis plus accaparée par mes propres problèmes. Je les récupère le soir à l’école et je sais immédiatement quand quelque chose ne va pas.

Je questionne. J’écoute. J’observe. Je ressens…

Mais si je continuais à travailler et à rentrer à la maison le soir à vingt heures, comme cela a été le cas pendant longtemps, qui le ferait à ma place ? Mon enfant souffrirait probablement en silence. Seul. Personne ne se rendrait compte du problème. Et peut-être même que quelqu’un pourrait penser qu’il a des parents violents, en voyant la peau arrachée sur son cou…

L’école est pour tous. Mais tous les enfants ne sont pas égaux. Non par leur origine ni par leur couleur de la peau ou la somme que leurs parents ont sur leur compte bancaire. Ils ne sont pas égaux dans la manière d’aborder leurs problèmes en fonction de ce que leurs parents leur transmettent. Et ce ne sont pas forcément ceux qui sont les mieux lotis qui s’en sortent le mieux. Ce n’est pas la taille de la maison qui compte, mas la lumière et la chaleur qui les attend lorsqu’ils rentrent chez eux. Ce n’est pas l’énergie que vous avez dépensé à astiquer la maison pour qu’elle soit propre et bien rangée, ou à préparer le dîner, qui les rendra heureux, mais l’énergie et le temps que vous leur consacrerez.

Parce que Hansel et Gretel sont très débrouillards et s’en sortent toujours, mais cela risque de leur laisser des séquelles…

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Petite, j’étais moi-même comme ce pauvre petit Chaperon Rouge, autonome, débrouillarde. Je gardais mes problèmes pour moi, comme mon petit garçon le fait. Je ne voulais pas faire de la peine à mes parents… Ils avaient déjà suffisamment de leurs problèmes d’adultes.

Est-ce le rôle d’une petite fille de protéger ses parents en leur épargnant ses problèmes d’enfant ?

Cela paraît absurde, mais c’est souvent le cas. Heureusement qu’il y avait ma grand-mère, comme une deuxième maman, qui a souvent soigné mes blessures et pansé mes plaies. La valeur de sa présence est inestimable, car c’était une personne très proche et aimante sans condition. Une nounou ne m’aurait jamais donné la même chose.

Notre petit garçon va trouver des solutions, avec notre aide. Car il a tout pour être heureux. Il a ses deux parents qui sont attentifs et veillent sur lui. Mais imaginez le cas d’un petit garçon ou d’une petite fille, qui se fait maltraiter par ses camarades de classe, pendant que ses parents ne lui apportent pas de cadre sécurisant à la maison. Le chaos à la maison. Le chaos à l’école. Essayez de vous mettre dans la tête de ce petit être humain en pleine construction.

Il y a une semaine nous avons rempli un énorme sac de peluches, de jouets et de livres pour une association. Mon petit garçon était très heureux :

Je suis un petit lutin du Père Noël et je vais offrir des cadeaux à des enfants qui n’ont pas de jouets.

Nous n’avons pas voulu que nos enfants vivent ou soient scolarisés dans un environnement surprotégé. Nous habitons dans une ville où la mixité sociale est une valeur ajoutée pour l’éducation de nos enfants. Nous leur apprenons l’ouverture d’esprit et l’ouverture à la différence. Mais il y a des limites.

La violence ce n’est pas une différence. La violence est contraire à toutes les valeurs quelle que soit la culture dont sont issues les personnes que nous côtoyant.

Et il faut que dans nos écoles il y ait une vraie place pour tous les enfants, même ceux qui sont (déjà !) bien éduqués. Sinon les envoyer à l’école deviendra contre-productif.

Ce matin, à nouveau, une grosse crise :

Maman, tu restes à la maison ? Je veux rester avec toi.

Difficile de rester ferme face au désespoir de ce petit bonhomme. Ce serait tellement simple de le garder à la maison avec moi et d’esquiver le problème. Mais ce serait une solution à très court terme qui ne ferait qu’amplifier le problème. Allez, on serre les dents, on retient les larmes. Il ira à l’école, je le récupérai exceptionnellement à midi pour doser la difficulté de cette journée. On en rediscutera. On le dessinera. On lira un livre sur la violence entre enfants. Et demain ça ira mieux.

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Nous sommes là pour te soutenir et t’épauler. Nous allons te montrer comment affronter tes peurs et ta peur des autres. Tu apprendras avec nous à aller de l’avant et à t’affirmer. On ne baissera pas les épaules. On discutera. On te montrera l’exemple.

Tu seras grand et courageux, mon garçon, personne n’osera t’embêter quand tu seras adulte.

Ta vraie force sera dans la confiance que tu auras en toi et dans la grandeur de ton cœur. Car nous sommes là pour toi maintenant, quand tu en as tellement besoin, et tu deviendras solide en nous tenant la main.

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