La vraie histoire de la petite sirène

« Un jour viendra, je partirai,
Je partirai sans aucun regret
Vivre sur terre, loin de la mer
Partir là-bas. »

(« Partir Là-bas », La Petite Sirène)

Elle l’a sauvé du naufrage. Elle lui a évité la noyade. Elle a couvert son corps mouillé et gelé, sur cette plage, avec le sien pour le réchauffer et le ranimer.

Il allait mal. Le mal le rongeait. Elle l’a transfusé avec la force de son amour. Elle lui a transplanté son propre cœur. Elle lui a offert son corps de femme, tellement imparfait, renonçant à son sublime corps de sirène. Elle a pansé ses plaies avec ses cheveux couleur or sable.

Mais cela ne lui suffisait pas, il voulait plus…

Pour lui elle a décidé de quitter l’océan dans lequel elle baignait depuis des années. Il y avait des vagues, certes, mais il y avait aussi de la chaleur et de la stabilité. Ses sœurs de coeur lui disaient qu’elle méritait bien mieux. « Tu as tout pour être heureuse. Tu es belle, intelligente, brillante, généreuse, lumineuse. » Mais elle n’écoutait pas. Elle ne voulait rien entendre.

« Femmes sirènes, femmes humaines, j’ai fait mon choix !
Moi je veux savoir, moi je veux pouvoir poser des questions
et qu’on me réponde
Qu’est-ce que le feu ?
Pourquoi est-ce qu’il brûle !? »

(« Partir Là-bas », La Petite Sirène)

Lui parlait d’une vie meilleure, d’une vie remplie de promesses et de rêves. D’une vie à deux, de projets d’avenir. Communion des âmes, des cœurs et des corps, sur cette petite île de bonheur. Une période fusionnelle où il n’a de cesse de lui déclarer son amour, lui jurer son attachement. Impatient, hâtif. Il la désirait. Vite. Tout de suite. Et elle, tellement amoureuse, était consentante.

Avant que lui devienne amnésique…

Ça y est, il l’a conquise. Elle aurait dû s’en douter, elle aurait dû se protéger. Il la jette pour garder une autre à ses côtés. Et la petite sirène est muette. Lorsqu’elle a abandonné sa vie sous-marine pour devenir humaine, elle a renoncé à sa voix. Elle ne peut pas dire à son prince à quel point elle l’aime.

« Regarde-la, douce et fragile à la fois
Elle ne dit rien, elle se tait
Mais son cœur brûle en secret »
(« Embrasse-là », La Petite Sirène »)

Elle lui écrit…

Elle envoie des bouteilles à la mer pour exprimer tout son amour, toute sa tendresse, tout son attachement. Encore et encore. Mais lui, il lui en veut, il ne supporte pas ce flot de mots écrits. La trouvant trop envahissante, trop présente, trop sur lui. De trop dans sa vie.

Lorsqu’elle lui faisait l’amour, cela ne l’étouffait point…

On lui a dit que les hommes aimaient les femmes belles et intelligentes, à condition qu’elle se taisent. Alors elle arrête d’écrire. Mais cela ne marche pas non plus… Il dit avoir besoin de temps et de distance. Besoin de souffler et de respirer. Il la rejette.

Comme un organisme rejette un organe.

Elle ne comprend pas son silence soudain. Après avoir puisé toute son énergie vitale en elle, il a déjà oublié que c’est elle qui lui a redonné goût à la vie, dans sa triste existence d’humain… Mais de quoi elle se plaint ? La pêche a été bonne, mais cela n’a pas pris.

Une histoire banale comme il y en a des tonnes.

Elle a envie de hurler, mais le son ne sort pas. Elle a envie de s’arracher le cœur, les tripes, le cerveau. Elle maudit ses jambes. Elle maudit son corps de femme. Elle n’a plus la force de se battre.

On lui a promis l’éternité, mais c’est le néant…

Elle regarde le ciel parsemé d’étoiles au-dessus d’elle. Elle sent la chaleur des derniers rayons de soleil sur sa peau. Pour la dernière fois. Avant de se transformer progressivement en mousse marine.

Peut-être que cela aurait marché dans un autre conte de fées…

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