J’aimerais être deux.
Exister en deux exemplaires identiques.
Mener deux vies parallèles.
Avoir un clone.

Moi numéro un se consacrerait entièrement à ce qu’elle a de plus cher, à ses enfants. Mon rêve depuis toute petite, le sens de ma vie. Ce qui rend mon quotidien riche et mouvementé. Celle-ci pourrait passer des nuits blanches sans avoir peur de ne pas être en forme au travail, ou prendre du poids sans craindre de ne plus rentrer dans son tailleur ou uniforme…
Elle serait absolument comblée dans sa vie de maman. Sans aucune autre préoccupation, sans aucune pression venant de l’extérieur, sans devoir se précipiter, sans nécessité de faire des choix difficiles. Pas de prise de tête pour l’argent, je n’en manquerais pas car l’autre moi, mon clone, aurait une vie professionnelle épanouissante. Pas de sentiment de ne pas me réaliser à 100 % car toute la satisfaction ressentie dans les autres domaines de la vie de mon clone me serait transmise par télépathie. Et moi à mon tour je lui transmettrais mon bonheur d’être maman et tous les sentiments éprouvés à cette occasion.
Moi numéro deux passerais mon temps à m’épanouir dans les domaines professionnel et social. A moi les hobbies, loisirs, voyages, rencontres, passions, créativité, expression de mes talents. J’aurais du temps pour tout ce qui me ressource, pour tout ce qui m’inspire et me donne de l’énergie positive. Celle-ci ne manquerait jamais de temps ni d’énergie ni de sommeil, ou alors uniquement parce qu’elle aurait fait la fête toute la nuit. J’aurais du temps pour voir régulièrement toutes mes amies, y compris les amies célibataires sans enfants. Je n’aurais pas besoin de me justifier devant elles, en faisant bien attention à ce que je dis sans les blesser. Car il n’est pas envisageable de dire :
«Non, je suis désolée, mais je ne peux vraiment pas. Une maman, elle a tellement d’autres priorités que de sortir entre amies».
Je garderais aussi des relations très cordiales avec toute ma famille d’origine et ma belle-famille car personne ne me jugerait sur le fait de ne pas travailler et de ne pas ramener d’argent à la maison. Personne ne me dévaloriserait du fait que je sois femme au foyer. Je serais épanouie et heureuse et tout le monde m’accepterait dans cet état, sans me critiquer, sans m’envier.

Moi numéro deux, employée parfaite. Toujours disponible et serviable sur mon lieu de travail. Des heures supplémentaires ?
« Aucun problème, j’adore ce que je fais et je n’ai absolument aucune contrainte personnelle ».
Une augmentation, une promotion ? Bien évidemment, c’est bien mérité puisqu’elle ne manque jamais à l’appel. Jamais absente pour maladie, la sienne ou celle de ses enfants. Pas besoin de faire des choix : garder l’enfant malade en « sacrifiant » un ou plusieurs jours de congé ou faire venir une baby-sitter inconnue, puisque la grand-mère n’a pas pu venir pour la énième fois.
Un voyage d’affaires ? La valise est déjà prête, j’ai toujours rêvé de travailler dans les quatre coins du monde. Un vrai rêve, éveillée. Sans parler du concert de mon chanteur américain préféré, j’ai déjà acheté des billets dès l’ouverture des réservations car je sais pertinemment que je n’aurai absolument aucun imprévu ce soir-là. Si mon enfant tombe sur la tête à l’école ce jour-là, c’est l’autre moi, moi maman, qui le consolera et le cajolera le soir du concert. Et le lendemain du concert, moi maman je me lèverai en pleine forme, pendant que moi employée ferai une grasse matinée.
Pas de dilemmes. Pas de culpabilité. Pas de regrets.
Moi employé parfaite ne perdrais jamais mon temps et mon énergie dans des rêveries « comment ce serait si j’étais maman ? » car j’aurais la sensation d’être maman, avec toutes les expériences et toutes les émotions reçues de mon clone. Je serais comblée à l’idée que mes enfants soient bien au chaud et en sécurité avec l’autre moi, tandis que je gagne bien ma vie, notre vie. Je n’entendrais pas « si vous voulez changer de poste au sein de l’entreprise, il va falloir que vous acceptiez de travailler à temps plein » sous-entendu renoncer à mes mercredi « libres » que je passe avec les enfants. Et en ramenant du boulot à terminer le soir ou le week-end, je ne culpabiliserais pas puisque l’autre moi lirait des histoires aux enfants en leur faisant plein de câlins. Et j’aurais le sommeil réparateur car si l’un des enfants se réveille la nuit, c’est mon clone qui se lèverait pour le rendormir.
« Si on te demande
Est-ce que je vais bien
Dis-leur qu’je suis mère
Jamais une mère ne se plaint
Si on te demande
Quand est-ce que je reviens
Dis-leur qu’je suis là
A quelques stations de train »
(« Si on te demande », Amel Bent)

Plus besoin de choisir entre couper les ongles des enfants ou m’occuper de mon manucure. Plus nécessaire de renoncer à une paire d’escarpins pour acheter une nouvelle paire de baskets pour les enfants. Le dentiste ? L’ophtalmologue ? Le dermatologue ? Plus besoin de repousser éternellement mes visites médicales pour prioriser celles des petits. Pleine d’énergie pour faire du sport plusieurs fois par semaine. Pas besoin de renoncer à l’abonnement d’accès à la salle de sport pour pouvoir payer les cours d’anglais des enfants et trouver un créneau réaliste pour les y emmener. Plus la peine de renoncer à la location d’une maison avec piscine en été par peur qu’un enfant se noie car laissé sans surveillance par inattention.
Enceinte, je ne serais pas obligée de passer huit heures par jour assise, une position bien inconfortable pour une femme enceinte. Je pourrais m’allonger et me détendre quand je veux sur mon canapé bien confortable et ergonomique. Je ne serais pas obligée de m’excuser pour la énième fois en pleine réunion à cause d’une envie pressante et difficilement contrôlable. Et si jamais je n’arrivais pas à tomber enceinte, libre à moi de choisir les jours et horaires pour les nombreuses visites chez des spécialistes, sans devoir m’expliquer devant mes employeurs pourquoi je dois m’absenter autant.
« Et je dessine
Des cœurs sur les ratures
Je repeins mes peines au passé
Comme à vingt ans, rien n’a changé
J’en ai écrit des « Je t’aime » sur les murs
Ramé contre vents et marées
Les yeux secs, la voix éraillée »
(« Si on te demande », Amel Bent)

Moi super-maman et parfaite épouse. Toujours souriante, Accessible, jamais de migraine. Une maman jamais fatiguée ni frustrée par son travail. Puisque c’est son clone qui travaille pendant qu’elle peut se transformer en véritable fée du logis, faire tout à son rythme sans nécessité de concentrer les tâches ménagères sur les soirées interminables et les week-ends. Puisque sa mission quotidienne est de bien s’occuper de la maison et des enfants et elle est reconnue et valorisée pour cela, par son mari et son entourage, famille et amis.
Et en plus, elle aime vraiment cela, car pour elle c’est un vrai bonus. Elle a le sentiment de s’épanouir professionnellement, la fatigue et le stress professionnels en moins. Pas de longs trajets le matin et le soir, pas de pannes de RER. Le métro-boulot-dodo, elle ne connaît pas, mais son compte bancaire est renfloué tous les mois grâce à son clone. Les enfants grandissent dans une ambiance apaisée. Leur maman toujours disponible, à l’écoute, épanouie. Son époux comblé d’avoir avec lui une femme heureuse, séduisante et excellente amante.
« Si quelqu’un te demande
Dis qu’tu ne sais rien
Ma vie est une série
Qui n’a pas de fin
Tu m’trouves trop conciliante
Oui, je le sais bien
J’essaie d’rester souriante
Ça maquille les chagrins »
(« Si on te demande », Amel Bent)
Et une fois par semaine les deux « moi » se réuniraient, se connecteraient dans leurs pensées et mettraient en commun leurs expériences de la semaine passée pour en faire un ensemble. Et chacune des deux aurait le sentiment d’être une femme parfaitement réalisée, comblée à 100 % dans tous les domaines de sa vie. Aucun manque, aucun vide, aucun besoin non satisfait, aucun désir non assouvi.
« Si on te demande
Est-ce que je vais bien
Dis-leur qu’je suis mère
Jamais une mère ne se plaint
Si on te demande
Quand est-ce que je reviens
Dis-leur qu’je suis là
A quelques stations de train »
(« Si on te demande », Amel Bent)

Très bonne fête des mamans !