Il y a quelque chose dans son regard… deuxième période

Je baisse la garde. Je suis déboussolée. Je perds le nord. Je m’éprends de lui.

Pendant le séminaire d’entreprise il ne s’est rien passé …

A part le compliment qu’il a fait sur ma robe en dentelle noire. Malgré le baiser qu’il a déposé furtivement dans le creux de mon cou quand personne ne regardait. Malgré cette danse sensuelle dans laquelle il m’a embarquée en fin de soirée, certes après quelques verres, mais qui avait tellement de signification pour moi…

Je retourne au travail lundi. Une jeune femme d’un autre service n’arrête pas de lui tourner autour. Apparemment je ne suis pas la seule à avoir succombé à son charme viril. Je suis toujours assise à côté de lui et je n’arrive pas du tout à me concentrer sur mon travail. Tous mes sens sont en éveil lorsqu’il pose ses mains sur mes épaules, lorsqu’il me fait des clins d’œil, lorsqu’on prend l’ascenseur ensemble. Je sens son odeur, un parfum épicé mélangé aux cigarettes. Je déteste l‘odeur des cigarettes. Mais sur lui ça sent tellement bon…

Dans ma tête, j’entends la voix de ma mère qui me dit :

Tu es comme ton père, tu ne sauras pas être fidèle à un seul homme…

Elle n’a jamais apprécié quand, déjà mariée, j’allais rendre visite à mon ami de lycée, lors de mes rares retours à la maison familiale. Vu son attitude, elle devait penser qu’il était mon amant…

Notre chef a validé ma période d’essai juste avant le séminaire. J’aurais dû lui demander de ne pas me garder. J’aurais dû me sauver avant qu’il ne soit trop tard. Avant que mon mariage ne parte en fumée et que mon foyer ne se réduise en cendres…

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Nous sommes fin novembre. Je n’arrête plus de penser à lui. Cela tourne à l’obsession. A vrai dire, je ne me projette pas du tout dans une vie avec lui. Je sais très bien que cela ne pourrait pas marcher ou alors seulement pendant un petit laps de temps. Il a un tempérament bien trop fort pour que nous puissions construire quelque chose de durable ensemble. Même si les hormones me disent tout le contraire. Une folie amoureuse. Qui relève plus de la folie que de l’amour. Son divorce est en train de se concrétiser. La nana de l’autre service filtre ouvertement avec lui devant moi et tous les collègues. Cela me fait mal, mais je sais que cette situation ambiguë joue en ma faveur : m’en sortir, l’enlever de ma tête, guérir…

Sauver ce qui reste de ma vie d’avant.

Comment ai-je pu tomber amoureuse d’un type comme lui ? Nous n’avons rien en commun. Moi toujours si respectueuse, très « comme il faut » dans ma vie professionnelle, et dans la vie tout court. Raisonnable, rationnelle (malgré mon côté fleur bleue), comment ai-je pu en arriver là ? En plus, c’est un collègue et je tiens à préserver ma réputation. Le monde professionnel est très petit. J’ai toujours été une employée exemplaire, et ce n’est pas le moment de tout gâcher maintenant.

Comment cela a-t-il pu arriver ? A moi qui suis tellement terre-à-terre, d’après les astres… Je rembobine les évènements dans ma tête depuis le premier jour dans l’entreprise. J’intellectualise de toutes mes forces pour y voir clair. Une sorte d’auto-hypnose. Je me dis que je ne suis ni la première ni la dernière femme qui passe par là et que tout va s’atténuer avec le temps. Il suffit juste de serrer fort les dents et d’attendre, car « les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps » (Tolstoï).

Penser à mes enfants.
A moi-même quand j’étais petite.
A mes rêves d’enfance…

Quels sont les rêves de mes petits garçons ?

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Il est vrai que le changement de travail a été un grand chamboulement. Je me suis sentie toute puissante, invincible. Le monde était à mes pieds. J’avais tout ce à quoi j’avais toujours aspiré, les ambitions professionnelles satisfaites et les projets personnels d’autant plus facilement réalisables grâce au nouveau salaire. J’avais baissé la garde enthousiasmée par la perspective du nouveau départ. Il arrive très souvent qu’un grand changement en amène d’autres car en changeant de contexte l’être humain change aussi…

Mais changeons-nous vraiment ?
Ou oublions-nous seulement qui nous sommes réellement ?

C’est le début d’une longue lutte. Longue et éprouvante. Entre mon intellect et mes sentiments. Entre mes valeurs profondes et mes réactions physiques. Les mots sont trop limités pour exprimer les sensations aussi fortes. Mes énergies vitales s’épuisent rapidement. Je ne suis plus la même personne. Sur le plan familial, je n’existe que virtuellement. Mon esprit est parti ailleurs. Mon corps est sans âme. Pour mes enfants, je suis devenue une maman fantôme, une maman zombie.

En écrivant ses lignes, je pense à toutes ces femmes, toutes ces mamans, à qui il arrive une chose pareille et qui n’ont pas la lucidité de la situation. Elles tombent dans les bras d’un homme qui ne leur correspond pas du tout. C’est une force irrésistible. L’amour ou la nature ? Certainement un peu des deux. Partir pour un autre, cela se fait rarement sur un coup de tête. Les femmes qui le font, sont passées pas de longues périodes de doute d’une violence extrême. Il est impossible de le comprendre sans être passée par là…

Que de choses qui me paraissaient des rêves irréalisables me semblent aujourd’hui misérables, et des siècles ne sauraient me ramener à l’innocence d’alors ! (« Anna Karénine », Léon Tolstoï)

Tant de livres en parlent ! Tant de films le montrent ! Mais il faut le vivre pour savoir ce qu’a enduré cette pauvre Anna Karénine…

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Le jour où je demande à pouvoir changer de place, sous un prétexte lié au manque de luminosité, il a l’air visiblement irrité. On me l’accorde. Je ne croise plus son regard. Je ne sens plus son odeur. Il ne met plus ses mains sur mes épaules. Je traîne de plus en plus avec les filles d’un autre service. Plus aucune joie de vivre. Aucun enthousiasme. Je suis de plus en plus mal à l’aise en venant au bureau. De moins en moins à ma place. Certains collègues de l’équipe s’inquiètent, m’interrogent.

C’est sympa les gars, merci, tout va bien, seulement ce boulot ne me convient pas, je m’ennuie.

Lui aussi (re)devient plus attentif vis-à-vis de moi. « Viens au prochain afterwork, on va bien rigoler… » Il connaît tellement bien mes points faibles. Il sait pertinemment qu’il me plaît. Et c’est réciproque. Nous sommes en train de boire un verre dans un bar à proximité du bureau, assis à l’écart des autres collègues. Il revient à la charge : « Je ne peux pas te faire de fausses promesses, mais si tu en as envie, nous pouvons nous voir de temps en temps pour nous amuser un peu. »

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Elle venait d’entendre des mots que redoutait sa raison, mais que souhaitait son cœur. (« Anna Karénine », Léon Tolstoï)

La balle est dans mon camp…

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