Big foot ou mon petit bébé d’amour

Ça y est, c’est l’été. Mon ainé est parti en colo hier matin. Et le cadet aura cinq ans demain, je lui ai concocté un programme bien rempli à cette occasion.

Mais ce jeudi matin je l’ai déposé au centre de loisirs, comme tous les jours du mois de juillet, il commence à s’y faire, il commence à apprécier, même si à la base ce n’était pas gagné…

Je ne peux pas le garder avec moi car j’ai un plan d’actions ambitieux. Et « le lâcher dans la nature » fait partie de mon plan d’actions pour la rentrée. En effet, je ne pourrai pas développer mon activité professionnelle l’esprit libre si mon anxiété à son égard ne diminue pas.

Ce matin il ira donc à la piscine avec le centre de loisirs, pourvu qu’il ne tombe pas et ne se fasse pas mal. Il ne sait pas marcher pieds nus sur le sol glissant de la piscine, je ne sais pas combien de fois je l’ai répété aux animateurs avant d’accepter qu’il y aille. Et il tenait à y aller. Ils doivent me prendre pour une folle, une mère parano, une mère qui n’arrive pas à couper le cordon… Et pourtant, ils ne m’ont jamais vue dans cet état avec le grand.

Qu’en est -il réellement ?

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Cinq ans en arrière. Il est né, tant rêvé, tant attendu. Je ne m’imaginais pas m’arrêter à un seul enfant. Malgré les nuits difficiles avec l’aîné, malgré la fatigue, je voulais tellement ce deuxième petit et rien ne m’aurait arrêtée pour l’avoir. Je l’aimais bien avant qu’il ne soit là. Un petit frère pour notre grand. Un petit bébé magique pour moi.

Il est né. Il sent tellement bon. Contrairement à son grand frère qui a tout de suite su ramper pour attraper le sein et bien téter, lui semble ne pas du tout savoir comment s’y prendre. Malgré ses 58 cm et 4,2 kilos, je sens tout de suite qu’il n’a pas le tempérament de son grand frère. Je lui fais du peau-à-peau car sa température corporelle a trop baissé.

« Regarde comme il est différent de son grand frère, tellement fragile. » Je partage mon ressenti avec mon mari. Il me regarde bizarrement. Il n’a pas compris ce que je voulais dire.

Un mois plus tard il me dira « Tu avais raison, il est complètement différent. »

Mon bébé quelques jours après sa naissance

Je ne dormirai quasiment pas pendant ses trois premiers mois. Entre l’allaitement et son reflux gastrique, notamment la nuit. Cela m’angoisse beaucoup, je survole le sommeil. Je le prends dans mes bras, en position verticale, dès qu’il a le reflux. J’en parle à mon mari. J’en parle au médecin. Le pédiatre me dit « tout va bien, regardez comme il grandit bien. »

Ah c’est sûr, il grandit bien. En un mois il a pris deux kilos. Le mois d’après deux kilos encore. Il a deux mois, il pèse huit kilos et demi et je lui mets du six mois. Ma belle-mère me dit de lui faire des examens pour voir s’il n’a pas une maladie génétique. Non mais c’est quoi encore ces conneries ? Tout le monde est grand dans la famille, et un bébé qui est grand aurait une maladie c’est ça ? Voilà comment faire pour stresser une jeune maman. Entre ceux qui disent de mettre le bébé au régime, et d’autres qui disent que je le gave en lui donnant le sein à la demande. Espacer les repas ? Le laisser hurler de faim ?

Tous des spécialistes de « comment dénaturer un lien bébé-maman et comment dénaturer un bébé. »

Impossible pour moi. Moi j’ai un vrai instinct maternel tout comme je l’avais avec mon aîné. Je fais comme je le sens. Mon bébé mangera à sa faim autant de fois qu’il voudra, point final. On prône l’écologie, on prône le bio, mais alors un bébé nourri de manière naturelle, cela passe difficilement, surtout qu’il grossit et grandit « trop vite ». Trop vite ? Et c’est quoi la norme ? Est-ce celle du carnet de santé élaborée il y a 50 ans ?

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L’été de ses un an, il apprend à marcher sur la plage. Il adore marcher sur le sable doré. Il ne tombe pas. Je suis détendue, il ne peut pas se faire mal. Mais dès qu’il a quitté le sable, je lui tiens la main, je le sécurise.

Septembre, il rentre en crèche. Il tombera souvent et rentrera à la maison avec des bleus sur le visage. Cela continuera après la phase d’apprentissage de la marche. Lorsque nous allons rendre visite à la famille de mon mari, je vois leurs regards moqueurs.

Mère surprotectrice. Mère parano. Ce petit ne s’en sortira jamais.

Non seulement je l’allaite encore, mais en plus je ne le quitte pas de mon regard une seule seconde. Ce serait donc moi la responsable de sa timidité, de son côté « sauvage », comme on me le fera comprendre à plusieurs reprises ? Parce que je le garde à la maison, parce que je suis trop fusionnelle avec lui… « Vous faites tous chier ! » Je ne le dirai pas, mais je le penserai à chaque fois.

« Ce n’est pas le fait que je le protège qui le rend timide et maladroit. C’est parce qu’il est timide et maladroit que je le protège. »

Oui je suis attentive. J’ai un vrai instinct de protection vis-à-vis de mon petit. C’est la nature et au fond de moi je suis sûre que cela lui sera bénéfique. Je n’adhère pas à : « S’il ne se fait pas mal il n’apprendra pas. »

Je n’adhérerai jamais.

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« Mais ton fils a des bottes trop petites ! »

Mon bébé a un an et demi et c’est (encore) ma belle-mère qui me le fait remarquer. « Comment est-ce possible ? Il vient d’avoir de nouvelles bottes… » La même situation quelques semaines plus tard : « Mais ton enfant a encore des chaussures trop serrées ! » Je ne comprends pas, mais comme elle me gave. Eh oui, je suis une mauvaise mère, c’est ce qu’elle doit penser de moi. Je m’en fous. Je l’allaite encore ce petit qui a dix-huit mois, je l’allaiterai pendant quatre mois encore. J’ai repris le boulot récemment et je commence à être vraiment sous l’eau avec deux petits gars pleins de vie. Ce n’est pas les chaussures trop petites qui feront de moi une mauvaise mère.

Bref. En un an, mon fils est passé de la pointure 24 à la pointure 30 (à peu près, je ne me souviens plus exactement). N’importe qui n’aurait pas suivi. Aujourd’hui à l’aube de ses cinq ans il fait du bon 33, quasiment du 34, la même pointure que son frère qui a sept ans et demi. Vraiment impressionnant même pour un petit garçon ayant des origines de l’Est…

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Il a quinze mois et rentre en crèche. Trois mois pour qu’il s’adapte. Pour son grand frère l’adaptation a duré cinq minutes. Le cadet refusera de faire la sieste dans le lit de la crèche pendant trois mois, il la fera dans sa poussette. Merci aux adorables nounous qui ont accepté cette solution. J’avais très peur qu’il soit exclu à cause de ses difficultés d’adaptation pour céder sa place à un bébé plus « sociable. »

Pendant sa première année de crèche il enchaînera des bronchiolites, rhinopharyngites et otites. Suspicion d’allergies et d’asthme. La pédiatre me dit que c’est normal car il est en collectivité. Je ne me contente pas de cette explication. L’ORL qui le suit pour l’otite séreuse prescrit une analyse de sang. Anémie. Il a probablement trop vite grandi et le lait maternel n’est pas assez riche en fer contrairement au lait des marques connues.

Une cure de fer lui fera du bien. Il en refera d’autres après à trois ans et à quatre ans, mais nous arrêterons car il aura souvent mal au ventre…

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Deux ans. A peine rentrés des vacances d’été, il se retrouve à l’hôpital pour une angine qui a dégénéré. Je suis en période d’essai dans mon nouveau boulot. Je m’arrêterais quinze jours au risque de perdre le poste afin de rester près de lui.

Surprotectrice ?

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Trois ans. Rentrée scolaire, petite section. En apparence cela se passe très bien, il a maintenant l’habitude de la collectivité et en plus son grand frère est dans la même école, cela rassure le petit. Hiver. Il commence à loucher. Personne ne louche dans la famille.

Ophtalmologue. Orthoptiste. Lunettes.
Étonnement généralisé. Le strabisme peut avoir un fond psychologique ou neurologique. Aurait-il subi un traumatisme crânien ou psychologique ? Crânien possible car il n’arrête pas de tomber.  

Pour psychologique, je ne vois pas… La rentrée scolaire ?

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Quatre ans, moyenne section. « Maman porte-moi, j’ai mal au ventre. » Depuis la rentrée en moyenne section, c’est tous les jours la même chose. depuis que son grand frère est passé en primaire, il se retrouve seul. Il pèse vingt kilos et me demande de le porter. A l’école il se retient d’aller aux toilettes toute la journée…

Il se fait harceler à l’école par ses camarades de classe. Nous ne l’apprendrons qu’en décembre. Il ne veut plus aller à l’école, crises tous les matins au moment de devoir partir. Visites chez une psychologue privée. Discussions avec l’école. Sur le plan de la santé physique il va beaucoup mieux. Entre les différentes visites médicales, nous lui avons fait faire des analyses poussées pour les allergènes. Rien. Aucune allergie. Il a quand même eu droit à des traitements de fond. Probablement inutiles. Ses infections à répétitions ont peut-être eu une origine psychosomatique…

Il continue à tomber.
A cette période-là ma charge mentale est à son paroxysme.
Son mal-être est le mien.
Je suis dans sa peau.
C’est viscéral.

Je décide de m’attaquer à son équilibre non seulement physique, mais aussi psychologique…

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« Maman, lâche ma main ! » Je lui tiens la main en marchant sur le trottoir pour rentrer de l’école. Son grand frère court devant nous. Le petit voudrait faire comme son grand frère, mais je ne le laisse pas faire. Indépendamment des voitures qui roulent vite, j’ai peur qu’il tombe encore. Je serre sa main encore plus fort.

Il porte des semelles orthopédiques depuis un an car son pied droit va vers l’intérieur ce qui cause ses chutes fréquentes. Tout son corps et surtout ses pieds ont trop vite poussé pour que son cerveau arrive à gérer, comme chez les ados qui poussent très vite d’un seul coup. Quoique, le podologue n’est pas sûr. Il pense que cela peut venir aussi de ses yeux, peut-être qu’à cause de son strabisme il voit double ou flou ? Ou encore de ses petits problèmes auditifs, causés par son otite séreuse, qui peuvent occasionner un certain déséquilibre.

À son jeune âge, et cultivant toujours une certaine timidité, un vrai introverti (comme son papa), difficile d’exprimer les sensations de son petit corps. Même l’ophtalmologue reste perplexe. Il a 10 sur 10 sur chaque œil séparément, en revanche les deux yeux ensemble auraient du mal à converger… Peut-être. On saura mieux lorsqu’il grandira et saura mieux décrire ce qu’il ressent.

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Les sorties au parc, je n’en faisais plus avec eux depuis un moment. C’est leur papa qui les emmenait chaque week-end faire toutes ces choses que je n’arrivais pas à regarder. Cela m’angoissait de le voir monter sur des jeux pour les six ans et plus, en suivant son grand frère, alors qu’il n’en avait que quatre et demi. Malgré sa grande taille, une tête de plus que tous ses copains de classe, il a une motricité de son âge. En allant au parc avec eux, je n’arrêtais pas de lui dire de faire attention, de ne pas faire ci, de ne pas faire ça.

Je préférais donc rester à la maison et ne pas savoir ce qui se passait.

Mon petit bébé a cinq ans aujourd’hui. Il mesure 123 cm et pèse 23 kg. Pointure 34.

Je lui ai lâché la main. C’est mon cadeau pour ses cinq ans.

Une prise de conscience et un vrai travail de lâcher-prise pour moi dans le cadre de ma formation pour devenir coach de vie.

Mon petit bébé (qui n’aime pas que je l’appelle ainsi), fait maintenant le vélo à deux roues. Il grimpe sur les jeux des grands. Il s’affirme de plus en plus dans sa parole et dans son attitude.

Mon petit garçon de cinq ans a plein de copains et ses copains l’adorent, même s’il lui arrive encore de se sentir envahi par tous ses enfants autour de lui.

Il veut tout faire comme son grand frère qu’il imite constamment, malgré la jalousie de ce dernier et le rejet persistant de sa part vis-à-vis de son petit frère depuis sa naissance.

C’est un petit garçon qui se développe bien, physiquement et psychologiquement. Sa confiance en lui progresse chaque jour. Sa confiance en nous est illimitée. Car nous l’avons sécurisé dans chacun de ses pas pendant les cinq premières années de sa vie.

En septembre il fera de nouvelles activités sportives et artistiques. Il fera du judo. Non pour apprendre à se défendre, mais pour développer l’harmonie de son corps et encore davantage sa confiance en lui.

Un futur champion ?

Mon bébé à sa naissance

Cinq ans.

Cet été mon petit garçon passera une semaine de vacances avec son papa et son grand frère, sans moi… Il profitera de la plage sur laquelle il a appris à marcher à l’âge d’un an. Il profitera de sa mamie qui ne comprenait pas pourquoi sa maman lui mettait toujours des chaussures trop petites. Il profitera de son papa qui devra lui prêter ses chaussures d’ici peu d’années.

Et pendant ce temps, moi je profiterai de ma semaine de liberté, tout en pensant très fort à lui… Car je sais ce qui est bon pour mon enfant, je l’ai toujours su.

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Je t’aime très fort mon grand depuis le jour où je t’ai vu et senti si vulnérable. Prends ton envol mon petit bébé d’amour. Tu es un vrai grand maintenant.

Ta maman ❤ ♥ ❤