Il faudrait un miracle…

« Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. » (« On ne badine pas avec l’amour », Alfred de Musset)

Décembre 2018. J’ai lancé le blog il y a un mois. Quelques lectrices commencent à m’écrire pour me confier leurs problèmes de cœur ou me demander des conseils. Je leur réponds. On discute. On se comprend entre femmes et mamans.

Une semaine avant Noël, une femme désemparée m’écrit. Elle me raconte son histoire : en instance de divorce que son mari a demandé car elle a une liaison avec un autre homme depuis l’été. Elle cherche auprès de moi la validation de sa décision de partir. Ses amies et sa famille proche lui disent tous qu’elle commet une erreur. Elle voudrait que quelqu’un de neutre et bienveillant lui dise qu’elle ne se trompe pas, qu’elle ne le regrettera pas.

Je l’interroge pour comprendre sa situation. Elle a marre de tout. De son mari. De ses enfants âgés alors de quatre et six ans. Marre de sa vie d’avant. Elle ne peut pas faire marche arrière. Elle ne veut pas.

Trop de déceptions. Trop de blessures. Trop de rancœurs…

Je la comprends, mais en même temps j’essaie de la raisonner par rapport à ses enfants. Elle a décidé de passer 15 jours de vacances de Noël avec son nouveau copain, sans eux, loin d’eux. Je la comprends en tant que femme. Mais j’ai du mal à adhérer à cette dernière décision. Je pense à ses enfants à Noël sans leur maman…

A cette période-là moi aussi je continue à me poser beaucoup de questions quant à mon couple. Quant à la vie que je mène. Vous souvenez-vous de la vendeuse de chocolats qui avait adressé son plus beau sourire à mon mari ?

C’était exactement à la même période de fin d’année. Mais je n’aurais jamais imaginé vouloir passer Noël sans mes enfants. J’ai du mal à la soutenir là-dessus, mais en même temps je tâche de rester bienveillante, empathique, généreuse.

Le cœur sur la main, tout naturellement.

Et plus elle me parle de sa vie, d’elle, de son mari, plus je comprends qu’elle est en plein burn-out maternel et que sa décision de partir a probablement été trop hâtive. Trop de ras-le-bol. Peut-être aussi une certaine envie de vengeance. Mais probablement pas assez de réflexion quant à la vie qu’elle rêvait de construire auprès son nouvel amoureux, sur le vif des émotions et de la passion.

« Malheur à celui qui, au milieu de la jeunesse, s’abandonne à un amour sans espoir ! Malheur à celui qui se livre à une douce rêverie, avant de savoir où sa chimère le mène, et s’il peut être payé de retour ! Mollement couché dans une barque, il s’éloigne peu à peu de la rive; il aperçoit au loin des plaines enchantées, de vertes prairies et le mirage léger de son Eldorado. Les vents l’entraînent en silence, et quand la réalité le réveille, il est aussi loin du but où il aspire que du rivage qu’il a quitté ; il ne peut plus ni poursuivre sa route ni revenir sur ses pas. » (« Les Caprices de Marianne », Alfred de Musset)

Peu avant Noël, un homme m’écrit. Je comprendrai très vite que c’est le mari de ma correspondante. J’essaie de savoir comment m’a-t-il trouvée, aurait-t-il regardé les messages de sa femme, bientôt son ex-femme ?

Méfiance. Curiosité.

Au fil des échanges je découvre un homme très intéressant. Intelligent. Sensible. Et il y a une réelle souffrance causée par la situation. Il a énormément de peine pour ses enfants. Il regrette tellement de choses. Ses paroles. Ses actes. Il a besoin d’écoute. Il a besoin d’aide. Il a besoin de conseil. J’attrape sa main tendue, sans me poser trop de questions.

Sous mon conseil, il écrira cette lettre à sa femme que vous avez pu découvrir sur le blog il y a un quasiment un an…

Sa femme est donc partie avec son nouveau copain, elle ne reverra pas ses enfants ni à Noël ni pour le Nouvel An. Elle ne les appellera pas non plus. Elle a également cessé de m’écrire. Elle est au courant que son mari m’a contactée, cela a dû la refroidir. Et elle n’a probablement pas reçu de moi ce qu’elle était venue chercher…

La fin de l’année approche. Je continue à écrire pour le blog. Les premiers témoignages de mes lectrices arrivent. Je termine également mon année d’études. Les échanges avec mon nouveau correspondant s’intensifient. Il me demande ce qu’il faudrait qu’il fasse pour que sa femme revienne.

Je lui dis qu’il faudrait un miracle…

En attendant, je le mets en relation avec une coach de vie spécialisée dans le burnout maternel. Il s’offre quelques séances qui lui permettent de mieux comprendre ce qu’est en train de vivre sa femme. Cela lui permet aussi de comprendre certaines choses sur lui.

Nous ferons le tour d’autres sujets.
Livres. Musique. Films. Blagues.
Souvenirs d’enfance.
Nos enfants.
Ils ont presque le même âge.

J’écrirai quelques textes sous son impulsion.
Rêves et projets d’avenir, en suspens…

Vœux de Noël.
Vœux pour la Nouvelle Année.

Janvier arrive et avec lui la dernière médiation avant son divorce. Sa femme reste sur sa position. Rien à faire, malgré la lettre, malgré tout. Impatiente, elle aura très prochainement les clés de son nouvel appartement.

Je l’écoute.
Je le soutiens.

Nous continuons à nous écrire.
Son anniversaire.
Il m’envoie une photo de lui.
Son visage.
Je lui envoie la mienne.

Nous nous appelons.
Sa voix.
Téléphone.
Skype.

Nous échangeons d’autres photos.
D’autres confidences.
Deux heures de route nous séparent.

Il me propose de nous rencontrer.
Entre amis.
Ou plus ???
Si affinités ???

J’hésite.
Méfiante.
J’en ai peur.
Curieuse.
J’en ai envie.

J’accepte.

Resto.
Ciné…

Je croyais que la pire des tempêtes était derrière moi…

***

Le miracle se produira peu de temps après.

Sa femme, ayant vite compris la situation, exprimera sa jalousie.
Ensuite, son envie de revenir auprès de lui et de leurs enfants.
Enfin, sa volonté de repartir sur de bonnes bases.

Lui acceptera.

« Je vous demandais tout à l’heure si vous aviez aimé ; vous m’avez répondu comme un voyageur à qui l’on demanderait s’il a été en Italie ou en Allemagne, et qui dirait : Oui, j’y ai été ; puis qui penserait à aller en Suisse, ou dans le premier pays venu. Est-ce donc une monnaie que votre amour, pour qu’il puisse passer ainsi de main en main jusqu’à la mort ? Non, ce n’est même pas une monnaie ; car la plus mince pièce d’or vaut mieux que vous, et dans quelque main qu’elle passe, elle garde son effigie. » (« On ne badine pas avec l’amour », Alfred de Musset)

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