« L’adulte grave dans la mémoire de l’enfant, absolument comme un burin incise dans la pierre. » (Marie Montessori, « L’enfant. »)

« Maman ! Mon nouveau maître est le plus extraordinaire maître au monde ! » – s’exclame mon fils aîné que je viens de récupérer à l’école, en plein mois d’octobre. Son visage et rayonnant. La chaleur envahit mon esprit et mon corps. C’est le feu d’artifice dans mon cœur. Je suis heureuse pour mon fils et très fière de moi.
Je ne suis pas une mère parfaite, loin de là, mais de temps en temps, j’éprouve une grande fierté de la manière dont j’accomplis ma mission de parent.
Et j’ai de quoi être fière !
Lorsqu’il est parti en colo d’été début juillet, je tournais en boucle sur ce qui s’était passé en mai et en juin. Ses crises perpétuelles, le soir, exprimant une grande frustration à cause de l’ennui qu’il ressentait à l’école à longueur des journées, des semaines, des mois. Son manque de motivation pour faire ses devoirs ou ne serait-ce pour lire un livre. Le conflit avec sa maîtresse accentué à l’occasion de la classe découverte où il a été séparé de ses meilleurs copains. Notre menace de le placer en internat (!) si son mauvais comportement continuait…
Au fond de moi je savais que rien n’était de sa faute.
Et en même temps je n’étais pas (encore complètement) prête à prendre sur moi toute la responsabilité de la situation, envahie par des émotions négatives. Car j’en étais responsable, en grande partie, oui, bien évidemment, je suis sa mère. Mais il y avait aussi son père. Il y avait aussi son école. Et si je ne savais pas encore comment faire pour arranger les choses, un peu de calme à la maison allait me permettre de prendre du recul, d’analyser la situation la tête reposée.

Dans le cadre de ma formation pour devenir Coach de vie et de développement personnel, en ce mois de juillet un nouvel exercice a été proposé par la prof superviseuse. Un exercice entre camarades de promo sur le thème du changement.
Quel changement pourrais-je encore amener dans ma vie, dans ma famille, après tous les chamboulements des derniers mois ?
Mon esprit étant focalisé sur le problème du moment, j’ai vite trouvé le sujet : non tellement le comportement de mon fils, mais nos relations qui se sont beaucoup dégradées depuis plusieurs mois. Le changement voulu donc de ma part : améliorer mes relations avec mon fils et apaiser l’ambiance familiale.
Avec l’aide de la camarade, nous analysons ce qui s’est passé depuis un an. Le saut de classe de notre enfant, l’attitude hermétique de sa maîtresse, son décrochage progressif à l‘école malgré sa grande motivation initiale lors de son passage en primaire, etc. De file en anguille l’évidence me saute aux yeux. Il a beaucoup subi cette année et les adultes n’ont pas fait grand-chose pour l’aider. Bien au contraire.
Sans vouloir pointer du doigt qui que ce soit, j’aurais dû me battre pour mon enfant, en suivant mes intuitions profondes, au lieu d’accepter les règles imposées par une maîtresse qui, à son tour, applique celles imposées par le système, sans se soucier vraiment de ses petits élèves. Un système global qui ne protège pas les enfants en tant qu’individus et par la même ne contribue pas à leur épanouissement personnel. Nous avons essayé mon mari et moi de respecter ce système, de faire rentrer notre enfant dans le moule, mais cela ne correspondait visiblement pas au fonctionnement de notre petit garçon et ne comblait surtout pas ses besoins.

Ni son besoin de sécurité psychologique ni son besoin d’estime ni son besoin d’accomplissement. S’il recevait tout cela de notre part à la maison, il ne le recevait pas dans le milieu scolaire, n’étant jamais pris en considération comme un être humain à part, différent des autres, unique, indépendamment de son appartenance à un groupe. Et cela nous menait vers une catastrophe.
Deuxième séance de coaching.
« Changement d’école ? Pour quand ? Pour tout de suite ? En plein été ? Tu t’y prendras comment ? Ton mari sera d’accord ? Et votre fils, comment réagira-t-il ? »
Un heureux hasard des circonstances… Non, soyons sérieux ! le DESTIN a fait qu’une amie venait de me parler d’une école à pédagogies différenciées qui se trouve sur le chemin qu’emprunte tous les jours mon mari pour aller au travail. Sur le site Internet de l’école une actualité faisait part d’un désistement et d’une place libérée au CE2. Sans réfléchir, plus besoin de réfléchir à ce stade, je contacte l’école, un rendez-vous nous est donné pour fin août. Je passerai l’été soulagée, heureuse, convaincue que cette place attend notre enfant. En tout cas nous ferons tout le nécessaire pour obtenir cette place, question de motivation…
À l’heure où j’écris ces lignes, mon fils vient se blottir contre moi, je lui fais un énorme câlin et le couvre de bisous.
Son tempérament n’a pas changé, il est toujours aussi vif et exubérant, parle fort et bouge beaucoup. Il veut toujours avoir toute notre attention sur lui au détriment de son petit frère. Il ne comprend toujours pas pourquoi il ne faut pas se coucher trop tard le soir ni pourquoi les adultes ont aussi parfois envie et besoin de se reposer.
Mais ce n’est plus le même enfant.

Le matin il est enthousiaste à l’idée d’aller à l’école, il est levé et prêt sans que nous soyons obligés de le lui demander. Il dévore plusieurs livres par semaine qu’il emprunte à la bibliothèque scolaire suivant les conseils de la bibliothécaire embauchée par l’école à temps plein. Il prépare des exposés, un travail d’équipe, sur les sujets de son choix. Il participe aux « quoi de neuf » et aux conseils de classe entre élèves dans un esprit démocratique. Acteur de ses apprentissages, il est challengé, écouté, respecté dans son individualité, tout en apprenant le travail de coopération, l’autonomie et la responsabilité. Libre. Soutenu. Épanoui. Il ne s’ennuie plus.
« Au lieu de voir les bébés et les enfants comme des adultes défectueux, nous devrions les percevoir comme des individus à un stade de développement différent, d’une même espèce – comme les chenilles et les papillons – excepté qu’ils sont en fait de brillants papillons qui virevoltent dans le jardin et explorent. Et nous sommes les chenilles qui avancent tout doucement le long de notre étroit chemin d’adultes. » (Alison Gopnik, Conférence TED 2011, « Que pensent les bébés ? »)
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La pédagogie nouvelle, au lieu d’accorder la place centrale à l’enseignant, le charge de créer les conditions nécessaires pour que les enfants fassent leurs apprentissages et s’approprient les connaissances, les savoir-être, les savoir-faire. L’Education Nouvelle privilégie la compréhension, l’expérimentation, le savoir apprendre, le savoir-faire plutôt que l’accumulation de connaissances.
La « pédagogie de projet » est indissociable d’une Education Nouvelle : elle amène les enfants à construire leur projet en fonction de leurs intérêts propres et ceux du groupe. Elle reconnaît aux enfants des droits et des devoirs et leur donne les moyens de les mettre en action : choisir, décider, entreprendre, aboutir, communiquer. Les apprentissages abordés par les enfants dans les projets diffèrent d’un enfant à un autre, d’un groupe à un autre ; ce sont des apprentissages sociaux liés à la vie et constituent un moyen privilégié d’acquérir les connaissances scolaires et académiques dans le cadre de la réalisation d’un projet.
Les questions de la vie sociale sont réglées par le Conseil de classe, d’école, où les enfants font l’apprentissage de la démocratie, apprennent à défendre leur point de vue, leurs droits, écouter et respecter ceux des autres, gérer les contradictions. Certaines des règles de vie sont issues de discussions entre enfants et enseignants. Ces règles font d’autant plus autorité qu’elles ont été élaborées en commun enfants-adultes.
L’école doit surtout être un lieu qui préserve la curiosité intellectuelle naturelle de chaque enfant. Durant la scolarité, les différents points du programme officiel sont tous traités, mais dans un ordre et à un rythme qui peuvent être différents des écoles classiques. Conformément aux instructions officielles, les notions fondamentales sont acquises en classe, il n’y a pas de devoir à la maison.
A la notation traditionnelle, l’école préfère le dialogue pédagogique ce qui permet à l’élève de s’évaluer et de progresser dans la confiance. Même si les acquis ne sont pas tous quantifiables : savoir apprendre, se comporter dans un groupe, se prendre en charge, réfléchir, respecter autrui, s’estimer, exprimer sa personnalité, prendre du plaisir à connaître, critiquer, c’est l’équilibre entre tous les apprentissages qui caractérise l’éducation globale.
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