Il suffit de peu, il suffit de pas grand-chose…

Il suffit de peu.
Il suffit de pas grand-chose.
Il suffit d’une simple gaufre…

L’annonce lui a été faite, je veux le quitter. Il sait que j’ai quelqu’un, il ne sait pas qui. Je souhaite me séparer, mais veux garder des relations cordiales avec lui, pour les enfants.

[Histoire de lectrice]

Quelques jours après les drames précédents, le viol et le miroir.
Des jours tristes et remplis de discussions entre nous et d’insomnies pour lui.

Des discussions à n’en plus finir. Mais pourquoi ! On réessaye. On part en voyage en Écosse tous les quatre. Et il déplore. « Je t’assure, je n’étais pas bien ces derniers temps, je vais m’occuper de toi. » Et moi. “Non” et je l’écoute et je lui redis trois fois, quinze fois ce que je lui ai déjà dit. Il va voir un psy, il en parle à des amis. Un tel m’a dit ça, on devrait faire ça. 

J’adore les conseillers !

Je suis déterminée et pas seulement à cause de ces réactions d’une violence extrême, d’autant qu’il ne l’exprime qu’à moi et son fils aîné me faisant passer pour une folle qui se laisse dominer par son fils. Et ce dernier passe pour un manipulateur du haut de ses 12 ans. Dès qu’il me voit il veut me parler sans cesse, sans répit, lui si taciturne. Il s’écroule devant les enfants, se recroqueville dans la chambre de son fils, dans le salon et laisse exploser son chagrin. 

Le pauvre. La méchante. 

Notre fils aîné à partir de ce jour, au spectacle de cette déchéance théâtralisée, s’est détourné de lui et le méprise. 

Un soir, je lui rapporte une gaufre, un peu de réconfort devant une telle déchéance. Il me dit qu’il la mangera le lendemain. Ce matin-là, je me lève, puis les enfants. Après une nuit d’insomnie, à son tour de se lever. Il se dirige vers la cuisine le visage déformé par une grimace de haine. Nous nous retrouvons tous les quatre dans la cuisine. Je sens la tension. Sa démarche déterminée, son regard suspicieux et colérique. “Vous voulez de la gaufre les enfants ?” Dit-il sur un ton faussement détaché, en s’adressant à eux, sans me regarder. Je me tourne vers lui intriguée, avec un couteau dans une main, la gaufre dans l’autre, il ne me laisse même pas le temps de réagir.

“Quoi ! Espèce de pute !“

À ces mots il brandit un couteau vers moi devant les enfants et ferme la porte de la cuisine. Nous enferme tous les quatre. Les enfants émettent un cri et se terrent dans leur peur, conscients d’un danger grave imminent. Préméditation. Ils ne hurlent pas. Je crois entendre « non Papa » Mais ils comprennent vite qu’une réaction vive de leur part ne peut qu’aggraver la violence sous-jacente de leur père.

Il vocifère : « Votre mère est une pute !

« Casse-toi de là espèce de connasse », et j’entends les enfants hurler. Et je me dirige vers la porte d’entrée pour m’en aller le cœur électrifié. Mon sang s’est logé tout près de ce cœur. Mon plus jeune fils se précipite vers moi avant même que je n’ouvre la porte en pleurant « Non, maman, ne pars pas. » J’entends, j’obéis, je referme la porte. Je me retourne. Mes enfants ont déguerpi, l’aîné a fui dans sa chambre. Le plus jeune s’est réfugié dans la cuisine. Témoin de ce qu’il peut entendre, mais il ne veut pas voir, il reste aux aguets.

Et lui me fait face du haut de ses presque deux mètres et moi moins de quarante-cinq kilos, je m’ébranle, mes jambes ne me supportent pas, je me retrouve par terre et je lui dis pardon. Je n’ai pas pu fuir. Je ne peux pas l’attaquer. Troisième solution reptilienne : m’évanouir, disparaître. Me réduire à néant vis-à-vis de lui, mais surtout de moi. Je me laisse faire, maltraiter et encore plus. Je ne peux que m’aplatir physiquement et le lui dire. Ça le calme. Il se nourrit de ma peine, de ma chute à défaut de déchéance. Il aimerait me voir m’écrouler en vrai définitivement.

Qu’au moins je ressente son immense chagrin, sa perte, croit-il.

J’accompagne le plus jeune à l’école. Je vais au commissariat de police avec mon aîné. Il ne veut pas aller à l’école tout de suite et il veut témoigner avec moi.

Nous sommes tous les deux en face d’un agent de police qui semble être à l’écoute d’une énième déposition. Banale. Sur le ton banal qu’il suscite avec son manque de bienveillance, devant une femme et son fils en proie à des violences familiales, je lui parle de la rage subite avec enfermement et menace au couteau, je lui parle de viol. Mon fils entend. Je n’aurais pas dû. Il me le reprochera des années après. Plainte inutile. Perte de temps.

J’ai perdu de la foi en la vie. J’ai perdu aussi une partie de la considération de mon aîné. 

Quelques mois après, il apprendra de la part de deux voisines, que je croyais amies, que je suis avec l’un de ses amis. Il reviendra deux fois dans notre appartement, en mon absence, voler la plupart de mes bijoux et des objets auxquels je tenais, l’ordinateur, l’appareil photo, la montre de running qu’il m’avait offerts… et tant d’autres choses que je constaterai après, et ce bijou, et ce sac…

Il reviendra un soir à la maison, avec pour objectif d’apprendre aux enfants que leur mère est une ordure puisqu’elle « se tape » l’un de ses amis.

Heureusement j’avais indiqué quelques jours avant à mes enfants sereinement avec humour l’identité de mon amoureux. Ce dimanche soir pendant que le gratin dorait dans le four, la clé a tourné dans la porte il nous rapportait les décorations de Noël qui se trouvaient dans la cave dont il avait subtilisé la clé. La vraie raison c’était d’informer les enfants. Ils ont fait plaisir à leur père en jouant la comédie de la surprise et du dégoût que leur mère leur inspirait. Les enfants ont regagné ensuite leur chambre. Il m’a menacée de détruire jusqu’à la fin de ma vie tous mes petits bonheurs. Qu’il en faut peu pour se retrouver dans un fauteuil roulant. Qu’il viendra le tuer, son ancien ami devenu mon amoureux, le jour où il s’y attendra le moins. Et que ça se finira devant le juge. Rien de menaçant dans ces propos aux yeux des policiers.

Ils ont raison, je ne suis pas morte. Pour l’instant…

***

Épilogue 

Étape suivante : protéger mes enfants leur épargner les conséquences désastreuses de notre divorce et le transformer le plus vite possible en un vieux souvenir. Cela m’aura pris trois ans et un mois. Les enfants ne voient plus leur père depuis la veille de Noël il y a deux ans. Je ne savais pas, en projetant de partager un bout ou toute ma vie avec lui, qu’il aurait pu se transfigurer ainsi. La naissance de son fils aîné l’a révélé. Je voulais un père pour mes enfants, il n’a jamais joué ce rôle auprès d’eux… 

Me séparer était devenu vital pour nous trois.
La rencontre de mon amoureux a été un élément déclencheur.

Et mon amoureux ? Se séparer ou pas ? Prochain épisode…