Je suis qui je suis… 3e partie

« Maman, c’est bon, je raccroche, mes copains m’attendent ! »
– « D’accord. À dans une semaine mon chéri. Je t’aime très fort ! »

C’est l’anniversaire de mon mari, il a 40 ans aujourd’hui, deux mois après moi. Un appel de notre fils aîné qui est parti en colonie il y a dix jours. Il l’appelle du téléphone de son animateur pour souhaiter joyeux anniversaire à son papa. Sa voix est très enjouée, il a l’air vraiment épanoui et heureux. Cela fait un bon moment que je ne l’ai pas senti aussi bien dans sa peau et dans sa tête.

Je suis régulièrement ses aventures sur le blog de la colonie, j’échange des sms avec le directeur du centre. Malgré ses réticences initiales de partir aussi longtemps, 20 jours, il ne regrette absolument pas. Équitation, kayak, feux d’artifice pour le 14 juillet, chasses au trésor, et plein d’autres loisirs du matin au soir. Sans parler des copains qu’il s’est fait très rapidement. La vie est belle.

Son appel a illuminé ce dimanche de juillet. Il a même voulu parler à son petit frère avec qui il a d’habitude des rapports plutôt conflictuels. Sa joie m’a confirmé que l’idée de cette colo a été une bonne idée, malgré la panique que cela avait engendré chez mon mari le jour où je le lui ai annoncé. Nous avons un petit garçon autonome, sociable, joyeux et confiant en l’avenir, malgré les tensions des dernières semaines.

Je ressens de la chaleur dans mon cœur de mère.

Son court appel m’a fait énormément de plaisir, car il y a deux semaines encore c’était toute autre ambiance. Je comptais littéralement les jours jusqu’à son départ. J’étais impatiente qu’il parte. Je voulais qu’il parte. Je rêvais qu’il parte. J’étais très en colère et je l’avais même menacé d’internat. Un petit garçon de sept ans et demi. Heureusement que la colère d’une mère ne dure jamais longtemps. Une fois les émotions retombées, on prend du recul, on se requestionne intérieurement, on en discute avec des personnes bienveillantes et on avance.

Je vous explique.

Le mois de mars. La réunion avec la directrice de son école, la psychologue scolaire et la maîtresse. Nous nous y rendons avec mon mari. La maîtresse s’efface complètement devant la directrice et la psychologue scolaire. Nous présentons notre point de vue. La directrice est à l’écoute et bienveillante. La psychologue plutôt passive, mais approuve tout ce que dit la directrice. Cette dernière nous demande ce que nois voudrions pour notre fils.

Woawww ! Quelle belle surprise ! Je m’attendais à une lutte, et c’est tout le contraire. Facile, même trop…

Pour différentes raisons, nous ne voulons pas de nouveau saut de classe. En revanche nous demandons qu’il puisse faire le décloisonnement de classe pour les maths, c’est-à-dire participer aux cours de maths avec la classe supérieure. La directrice accepte. Et si ce n’est pas possible dans l’immédiat, elle fera le nécessaire pour que cela puisse se faire dès la rentrée de septembre.

Il ira donc au CE2 et fera les maths avec le CM1. De quoi le remotiver en le mettant devant un challenge dont il a besoin. Nous en sortons soulagés. Notre fils rassuré que désormais tout ira mieux pour lui, que ses besoins ont été écoutés et pris en compte. D’ici septembre la maîtresse s’est engagée à lui donner des fiches supplémentaires afin qu’il ne décroche pas complètement avant la fin de l’année scolaire…

Mi-mai. En juin notre fils doit partir en Bretagne en classe découverte qui durera dix jours.

Il est enthousiaste, il adore voyager et laventure, et pendant dix jours il ne s’ennuira pas en classe.

Quinze jours avant le grand top départ, je le récupère à l’école le soir. Il est très triste. Il me dit que ses quatre meilleurs copains seront ensemble dans une chambre de quatre, alors que lui sera dans une autre chambre avec trois autres garçons avec qui il n’a aucune affinité. Il est extrêmement déçu. Affecté comme jamais. Nous écrivons un mot à la maîtresse pour lui expliquer l’état de notre fils et lui demander de revoir la répartition des chambres. Après son refus par écrit, nous la sollicitons directement en face-à-face à la sortie d’école. Notre fils est en larmes. Il pleure depuis trois jours tous les soirs.

Sa tristesse commence à se transformer en forte colère. Contre sa maitresse. Contre nous aussi, ses parents. Contre son petit frère. Contre le monde entier.

Malgré tous les arguments présentés, malgré les larmes de l’enfant, la maîtresse reste sur sa position. Nous l’informons que face à cette situation, nous n’allons pas obliger notre fils d’y aller, s’il ne le souhaite plus. Notre enfant est libre d’y aller ou non. Cela ne fait aucun effet à sa maîtresse, pas de problème s’il n’y va pas. D’ailleurs une dizaine d’enfant ne participeront pas à cette classe découverte pour différentes raisons, un de plus…

Les quelques phrases que j’aurais préféré ne pas entendre de sa part et qui ont transformé ma tristesse en colère.

« Il faut que votre fils apprenne à gérer sa frustration. »
« Ce n’est pas parce qu’il a des facilités que je peux lui attribuer ce privilège. »
« Je traite chaque enfant de la même manière, c’est par souci d’équité… »
« Répondre positivement à sa demande serait discriminatoire par rapport aux autres enfants. »

Je ne me rappelle pas de tout, je croyais que c’était une mauvaise blague, un caméra-caché…

Le meilleur élève de sa classe, qui n’a jamais posé de problèmes disciplinaires, qui n’a jamais ramené de mot dans le cahier de liaison, qui ne lui demandait que d’avoir un seul de ses quatre copains dans sa chambre, non les quatre…

Lui connaît déjà la notion de compromis. Pas elle. Lui a compris tous ses arguments logiques à elle. Elle n’a pas voulu comprendre ses émotions à lui. Il a sept ans et demi. Elle a trente ans… et un chat à la maison (je m’excuse auprès de toutes les propriétaires de chats, et qui comprennent la cause des enfants, je n’ai rien contre les chats ni contre leurs propriétaires). Mais une maîtresse qui n’arrive pas à se mettre au niveau de l’enfant, une maîtresse qui a décidé de montrer aux parents, très investis dans l’éducation de leurs enfants, comment les éduquer, une maîtresse qui ne voit pas tous les efforts que son élève a fait depuis septembre pour s’intégrer dans cette classe où il ne connaissait personne, au lieu de l’en féliciter elle le sépare de ses copains… Eh bien c’est une très mauvaise maîtresse. Je dirais même : c’est une mauvaise personne.

Maitresse en CE1.  Zéro bienveillance. Zéro empathie. Zéro intelligence émotionnelle. Aucune vocation pour faire ce métier.

Notre fils décidera de partir quand même en classe découverte grâce à nos discussions et à une visite d’urgence chez une psychologue de notre ville (et c’est payant bien évidemment. J’hésite à envoyer la facture à l’école). Nous arriverons à atténuer sa tristesse et sa déception. Sa colère restera. Après son retour, tout le mois de juin sera extrêmement tendu instaurant une ambiance pourrie à la maison. Il ne supporte pas sa maîtresse. L’école ne sert à rien car il n’y apprend rien, il y va juste pour voir ses copains. Il crache tout ce qu’il a gardé pour lui : l’ennui de cette année, toutes les fois où il n’a pas pu s’exprimer, le peu de sollicitations car « de toute façon tu sais tout », le manque de bienveillance auquel il a été confronté et l’injustice subie vécue par lui comme une punition.

Puni de quoi ? De sortir du lot ? D’avoir été soutenu par ses parents qui l’aiment ? Il en a de la chance celui-là ! Un enfant gâté-pourri ! Punissons-le ! Montrons-lui ce que c’est que la vraie vie !

L’enfant déjà très vif, limite hyperactif, mais jamais à l’école grâce à ses propres efforts, en ce mois de juin devient ingérable à la maison. L’endroit où il peut enfin se lâcher et laisser sortir toute la tension accumulée… Le jour de l’anniversaire de son petit frère que nous organisons fin juin, il a décidé de tout gâcher. Je le menace : « Si ça continue comme ça, tu iras en internat ! » Quelque chose a disjoncté dans son cerveau. Et je sais que ses ailes sont en train de se disloquer. Et je ne l’aide pas, je suis hors de moi, je pleure…

Mais je me souviens aussi comment c‘était quand mes ailes à moi ont brûlé. D’abord à l’école. Ensuite au boulot. Tu rentres dans le rang et tu n’en sors plus. Pendant 40 ans. Jusqu’à ce que tout parte en vrille dans ta vie.

Quand est-ce que j’ai perdu le contrôle sur l’épanouissement de mon enfant ?

En avril j’ai pris rendez-vous pour lui avec la psychologue spécialisée dans la précocité des enfants. La même qui avait préconisé le saut de classe il y a un an et demi. Nous la rencontrons donc debut juillet, je lui résume la situation. Mon fils s’entretient avec elle.

« Vous auriez dû venir bien plus tôt, il a beaucoup souffert cette année et la maîtresse a fait tout le contraire de ce qu’il fallait faire avec lui.« 

Elle continue : « Pour la classe découverte vous auriez dû monter en créneau auprès la directrice qui a l’air d’avoir plus de discernement. Mais ne vous inquiétez. Maintenant il faut profiter des vacances, et dès la rentrée nous allons le suivre de près et réagir immédiatement si avec la nouvelle maîtresse la situation ne change pas. »

Rendez-vous repris pour fin septembre.

L’enfant part en colonie d’été, content de partir. Le calme. Son petit frère est tranquille. Le repos. Physique et mental. Il était temps. Je réfléchis. Je lis des livres sur la confiance en soi chez les enfants et sur les pédagogies différenciées. Je discute avec d’autres parents qui sont passé par là. Je me renseigne. Je reçois quelques conseils. Ma colère contre mon enfant s’estompe progressivement.

Ma colère contre sa maîtresse et ma déception contre le système se transforme peu à peu en énergie constructive, en action…

Je pense à ce petit garçon qui a l’air absolument épanoui en colonie où les maîtres-mots sont : liberté, bienveillance, partage, écoute, discussion et coopération. Il est dans son élément. Pas comme à l’école actuelle. Et ce n’est pas parce c’est une colonie. Mais c’est parce que l’équipe encadrante, le directeur et les animateurs, ont suivi leur vocation et appliquent la pédagogie de confiance qui permet à chaque enfant d’exploiter pleinement son potentiel et ses talents.

Ce qui me fait repenser à cet unique exposé oral que mon fils ait fait cette année à l’école, devant une caméra, et que j’ai pu voir sur le blog de l’école. Il racontait la légende du dragon de ma ville natale. Lorsque ses camarades de classe, pleins de curiosité et d’intérêt pour cette histoire, lui ont demandé si c’était une histoire vraie, il a répondu « oui ». La maitresse lui a alors répondu sèchement « Non, les dragons n’existent pas. » Aucun sens de l’humour, aucun effort pour rentrer dans l’imaginaire de ces petits. Le père Noël n’existe pas non plus, mais ce n’est pas à l’école d’enlever aux enfants leurs rêves ni de stériliser leur imagination.

En revanche, les sorcières, ça existe pour de vrai…

Prise de conscience. Inconcevable de rester observatrice passive. Inenvisageable de continuer à faire subir à mon enfant ce reformatage tellement nocif pour toute la famille. Reprise de contrôle.

Je décide de redevenir magicienne du bonheur de mon fils…

–> Lire la 4e partie de « Je suis qui je suis »

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