« J’aime bien la galette
Savez-vous comment ?
Quand elle est bien faite
Avec du beurre dedans. »

Ça y est ! Mon fils aîné a 8 ans. Il nous a fait voir de toutes les couleurs en décembre, mais je vous en parlerai une autre fois. Huit ans donc. L’âge intellectuel d’environ 11 ans. L’âge émotionnel à peu près égal à celui de son petit frère de 5 ans. Bon j’exagère peut-être un peu, quoique…
Un garçon très précoce, très zèbre, qui nous donne du fil à retordre. Depuis huit ans. Chaque jour. Sans répit. On ne s’ennuie pas, ça c’est sûr !
Pourquoi la galette ?
Un jour je l’ai récupéré au centre de loisirs et il était en larmes. L’un des nouveaux jeunes animateurs lui a dit qu’il faisait du gâchis car il a refusé au moment du goûter de manger son pain au Nutella ! Mon fils, hypersensible comme la plupart des enfants précoces, a très mal pris la remarque et s’en souvenait bien longtemps après cet incident. Il déteste le chocolat ! Et ne parlons pas de Nutella qui lui donne carrément la nausée, rien que son odeur. Les pâtisseries et chocolats, ce n’est vraiment pas son truc.
En revanche il adore la galette des rois. C’était d’ailleurs mon dernier repas la veille de sa naissance. Une bonne galette à la frangipane. Tous les ans donc pour son anniversaire nous avons une belle galette faisant office de son gâteau d’anniversaire.
Original, non ? Bizarre, diront certains.

Parlons donc de la différence et de son acceptation dans notre société moderne.
Comment réagissons-nous à la différence ? Comme cet animateur qui a dit à mon fils de ne pas faire de gâchis parce qu’il a refusé de manger quelque chose qu’il n’aimait pas ? Pour l’animateur « tous les enfants aiment le chocolat, sans exception ». Nous voilà dans le monde des stéréotypes et préjugés. Pour un sujet simple, les goûts alimentaires.
Alors pour les sujets plus complexes, je n’essaie même pas d’imaginer l’attitude et la réaction de ce jeune animateur qui travaille avec des enfants. Un éducateur censé avoir une ouverture d’esprit et une tolérance vis-à-vis de la différence, de l’originalité, de l’individualité. Par ailleurs, sa remarque a d’autant plus touché mon fils car nous éduquons nos enfants à l’écologie, au tri sélectif, au non-gâchis. Et comme les enfants précoces se caractérisent aussi par un sens de justice exacerbé, il a trouvé la remarque complétement injuste.
De quoi faire éclater son petit cœur en mille morceaux.
D’ailleurs. Est-ce si mauvais de ne pas aimer le Nutella ? Personnellement, à la place de cet animateur, s’il avait un minimum d’intelligence relationnelle et de compétences pédagogiques, j’aurais dit « Ah tu n’aimes pas le Nutella, eh bien tu as peut-être raison, ce n’est pas forcément très bon pour la santé ? Et tu aimes quoi ? » J’aurais engagé une discussion avec tous les enfants autour de la table. C’est cela être un bon pédagogue et éducateur, au lieu de casser un gamin pour un truc sans importance pour l’animateur, mais qui l’est tellement pour un bonhomme en construction.

Alors j’ai dit à mon fils : « Ton animateur s’est trompé en te jugeant de manière injuste par rapport à ton refus de manger cette tartine au nutella. Mais lui as-tu bien expliqué que tu n’aimais pas le chocolat ? C’est très important que tu saches exprimer ta différence au lieu de te taire. Si tu te tais, les autres te diront des choses blessantes sans se rendre compte qu’ils te font mal« .
Cela me fait penser aux différentes façons dont les personnes qui me rencontrent pour la première fois réagissent à mon accent. Il y a trois types de réactions. Très peu de personnes n’ont aucune réaction et me font complètement oublier que j’ai un accent. J’adore ce type de non-réaction face à laquelle je me sens complètement intégrée dans la société Française et pleinement acceptée avec ma différence.
Un certain nombre de personnes me disent « Mais d’où vient ton léger – charmant – joli accent ? » Ça va, ça passe. C’est un compliment, c’est amical, les mots sont bien choisis.
Alors que le dernier groupe de personnes, malheureusement très majoritaires, disent, « Ah tu as un accent ! Tu viens d’où ? »
Eh bien merci à vous de me rappeler que je ne suis pas chez moi !
Cela me remet bien à ma place. Étant également zèbre, comme mon fils, chaque mot compte pour moi dans ce que disent les autres. Mais avec mon âge j’ai bien évidement appris à ne pas être trop susceptible. Et surtout je n’écoute que ceux qui sont bienveillants.

Et c’est dans cet esprit d’ouverture que nous élevons nos enfants…
Avant leur naissance nous avions un couple d’amis. Lui Français d’origine de l’Europe de l’Est, elle Sénégalaise. Ses parents à lui ont refusé de faire connaissance de sa copine, future épouse. Ils ne supportaient pas l’idée que leur fils sorte et veuille se marier avec une fille black. Alors ils ne voulaient plus le connaître, leur propre fils, ne décrochaient pas le téléphone lorsqu’il tentait de les appeler, n’ouvraient pas la porte quand il voulait rendre visite à sa mère avec un bouquet de fleurs. Ils ne sont pas venus à leur mariage…
Alors quelle ne fut ma surprise un jour, nous parlions je ne sais plus de quoi, et ce garçon a lancé « Si un jour j’ai un fils et qu’il m’annonce qu’il est homosexuel, je ne sais pas ce que je vais faire, mais ce serait la pire des choses qu’il puisse arriver. »
Je n’ai pas compris. Alors lui-même qui souffrait atrocement du rejet par ses parents, de leur racisme, disons-le ! finalement il était exactement comme eux. J’étais vraiment très triste pour lui. Mais aussi extrêmement déçue. Peu de temps après, lui et sa femme sont partis à l’étranger, on venait de lui proposer un extraordinaire poste dans une banque londonienne, et nos chemins se sont séparés.
Bien évidemment !

Alors lorsque mon fils a commencé à s’intéresser vivement à la question de savoir « comment fait-on des enfants » ou plutôt lorsqu’il a su à l’école comment on les faisait, à l’âge de sept ans, en discutant avec ses copains de CM1 et CM2, je lui ai acheté des livres adaptés à son âge sur le sujet. « Amour et amour physique ». Dès les premiers pages du livre on parle de l’homosexualité de manière tout à fait naturelle. Il pose des questions, je lui réponds. Oui il existe des hommes qui aiment des hommes, et des femmes qui aiment des femmes, et ils peuvent même se marier. Il ne faut jamais se moquer de ces personnes ni les insulter. Ils ont le droit d’être heureux comme n’importe qui…
Ce soir nous allons donc manger une galette des rois avec une bougie 8 enfoncée au milieu et une bonne soupe de légumes.
Eh oui mes enfants adorent la soupe et mon aîné raffole des épinards ! Devrait-il s’en excuser ? Se justifier ?
Et je lui dirai ce que j’ai l’habitude de dire à mes deux enfants : « Si tu veux être heureux, entoure-toi de deux types de personnes : celles qui sont différentes de toi et acceptent ce que tu es en prenant ta différence comme une vraie richesse et celles qui te ressemblent et te comprennent parfaitement car fonctionnent comme toi. »
« Et surtout fuis celles qui ne font aucun effort pour te comprendre. N’essaie pas de plaire à celles qui veulent te faire changer au lieu de changer elles-mêmes. De toute façon tu ne pourras jamais être aimé de tout le monde. Autant être aimé par les personnes en compagnie de qui tu te sens bien et avec qui tu oses être toi-même.«

Très joyeux anniversaire notre grand ! Grandis bien et en bonne santé !
J’ai trouvé cet article vraiment intéressant. Je trouve que vous avez une belle mentalité. Joyeux anniversaire à votre fils !
Merci beaucoup 😊