Tu penses que tu peux distinguer le paradis de l’enfer… Confession

Ma meilleure amie va se marier et m’a demandé d’être témoin à son mariage.
Quel honneur ! Je suis heureuse pour elle et ravie de sa demande…

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Je sors avec mon copain marocain depuis bientôt un an. Je prends le car pour le rejoindre en Belgique à chaque fois que j’ai quelques jours fériés à la fac. Chez lui je passe des heures à lire des bouquins du programme de mon cursus littéraire et réviser pour mes examens, mais l’essentiel est d’être à côté de lui, sa présence me motive et m’inspire…

Il étudie à l’Académie des Beaux-Arts le jour et travaille dans un petit restaurant au cœur de Bruxelles les soirs du week-end. J’ai l’habitude de squatter au restaurant où il travaille et réviser mes cours pendant qu’il fait le service, parfois jusqu’à cinq heures du matin. Nous sommes jeunes et avons toute l’énergie nécessaire. Pas besoin de dormir, l’amour nous donne des ailes.

Quand je repars dans mon pays, c’est toujours le déchirement et ensuite une longue attente ponctuée d’appels téléphoniques, d’emails et de sms pour patienter jusqu’à la fois d’après. Il faut être raisonnable et continuer nos études, la question ne se pose pas de nous installer ensemble prématurément, nous avons été élevés ainsi : d’abord les études, ensuite la vie à deux.

Nous sommes loin physiquement, mais en même temps très fusionnels. Il m’apprend des mots et des phrases en arabe, je lui apprends des expressions dans ma langue maternelle. Nous communiquons en Français. Il parle couramment arabe, français et anglais, il joue de la guitare et est très sportif, du moins il l’était avant de venir en Belgique… Surf, karaté, et j’en oublie. Et surtout, il dessine, issue d’une famille marocaine très cultivée où l’art a toute sa place.

Je suis sa muse.

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Certaines esquisses sont vraiment ratées, mais ce n’est pas grave, cela nous fait toujours bien rigoler, l’essentiel étant de passer un joli moment de complicité. A chaque fois nos retrouvailles sont très euphoriques et passionnelles, après plusieurs semaines d’éloignement. En trois ans, nous aurons nos mille et une nuits… Nous sommes très amoureux l’un de l’autre et parfaitement compatibles sur différents niveaux. Une extraordinaire attirance et compatibilité physique, des discussions intellectuelles interminables. Et spirituelles aussi. Je lis le « Coran », il lit la « Bible ». Un échange très enrichissant.

Même si parfois nous nous brûlons un peu car nous avons tous les deux des tempéraments forts et sommes des hypersensibles remplis d’intuitions et de fulgurances. Son sang arabe, ma fierté slave, un mélange explosif par moment. Mais cela ne fait que renforcer la flamme et les moments d’intimité qui suivent les disputes sont d’autant plus voluptueux. Et après avoir fait l’amour, il fume sa cigarette et nous mangeons du « stouf », très énergétique pour la suite de nos ébats amoureux. Ensuite il prend sa guitare que je lui ai offerte pour son anniversaire. J’adore l’entendre chanter « Wish You Were Here » de Pink Floyd, c’est notre morceau préféré.

Une vraie idylle… oui et non.

Le tableau est noirci à cause du monde extérieur, forcément. Ah si seulement nous pouvions rester dans notre bulle magique et hermétique à tout et à tout le monde !

Son grand frère, avec qui il est en colocation, n’arrête pas de nous faire des crasses. Jaloux de notre relation, plus âgé et célibataire, il est vraiment chiant. Langage vulgaire, attitude grossière, il vide des bières l’une après l’autre et fume je ne sais quoi, tout en écoutant en boucle Bob Marley, le son à fond. Il a laissé tomber ses études et fait de petits boulots, mais n’arrête pas de demander à son petit frère de lui filer de l’argent. Et ce dernier se laisse faire. Quand ils appellent leurs parents une fois par semaine, ils leur disent que tout va bien. Je ne suis pas d’accord avec cette attitude et cela cause quelques conflits. Il se réjouis ouvertement à chaque fois qu’il nous voit nous disputer à son sujet.

Merde, ce mec a quand-même plusieurs années de plus que nous, et pourtant il se comporte comme un ado déchainé. Aucun sens de responsabilité, aucun effort existentiel, aucune ambition. Je ne peux pas m’entendre bien avec quelqu’un comme lui. Il m’arrive parfois de ressentir un certain soulagement lorsque je reprends le car pour retourner chez moi. Soulagement de ne plus devoir supporter sa présence odieuse et mesquine.

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Mais une fois de retour chez moi, je regrette aussitôt d’être là…

Ma famille ! On dirait qu’ils ont signé un pacte avec mon beau-frère. Mes parents n’arrêtent pas de m’agacer avec leur point de vue très tranché sur notre différence d’origine et de religion. Ils l’aiment bien, c’est un garçon charmant et plein de qualités, mais pourvu que ça ne dure pas trop longtemps ! Ma pauvre fille, ouvre les yeux ! Le lavage du cerveau commence. Ou devrais-je dire le lavage du cœur ? C’est le cœur qui décide, non ?

Mon père arrive à semer en moi un grand sentiment de culpabilité, par rapport à l’éducation judéo-chrétienne que j’ai reçue. Une jeune femme catholique « ne sort pas avec un arabe » et « ne couche pas avant le mariage ». Encore sur le second point, il arrive à passer outre, mais non sur le premier. « De plus, que va-t-il faire comme métier après ses beaux-arts ? Ça sert à quoi ses études, franchement ! » Ou encore « Vas-y, va au Maroc avec lui, tu verras comment les femmes y sont traitées ». Et ainsi de suite, un flot incessant de phrases de ce type…

« Et ont-ils réussi à te faire échanger
Tes héros contre des fantômes ?
Des cendres chaudes contre des arbres ?
De l’air chaud contre une fraîche brise ?
Un confort froid pour quelques pièces ?
Et as-tu échangé
Un rôle de figurant dans la guerre
Contre un premier rôle dans une cage ? »
(« Wish You Were Here », Pink Floyd)

Le sentiment de culpabilité. Je pleure parfois après avoir fait l’amour, c’est plus fort que moi, je n’y peux rien. Je me sens déchirée entre mon amour pour lui et mon éducation traditionnelle. Et surtout, à cette époque de ma vie, je suis (encore) très croyante et pratiquante. Et lui aussi. Cela ne nous pose pas problème, ni à lui ni à moi, chacun pratique à sa manière, nous sommes tous les deux au-delà de cette différence. Deux âmes sœurs en communion. Mais apparemment cela pose un énorme problème aux autres. Et cette attitude des autres me pose problème à moi. Leur regard m’empêche d’être vraiment heureuse à ses côtés, j’ai vingt ans et je suis extrêmement sensible au regard des autres. Leurs phrases blessantes enlèvent la part céleste de ce qui nous unit en nous ramenant vers la terre. Ou encore plus bas que la terre…

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Ma meilleure amie va se marier et m’a demandé d’être témoin à son mariage.
Quel honneur. Je suis heureuse pour elle et ravie de sa demande…

Dans mon pays, pour se marier, pour baptiser son enfant ou pour être témoin d’un mariage, il faut se confesser et avoir une attestation du prêtre confesseur certifiant qu’on l’a fait. Je déteste me confesser depuis que je suis petite, cela n’a jamais été une part de plaisir pour moi, et il m’arrivait souvent (et pas qu’à moi, j’en suis persuadée) de ne pas tout dire. Je faisais donc le tri de ce que je disais au prêtre, autant ne pas se confesser du tout… pour être honnête. Si seulement je connaissais quelqu’un qui pourrait me faire cette attestation, hélas. Pour le mariage de ma copine, j’ai décidé de le faire « correctement », même si à contre-cœur dans le contexte de mon amour « interdit ». Pourvu que le prêtre sur qui je tomberai ne soit pas trop chiant, certains sont sympas et compréhensifs. Je ne fais pas le tri, je lui parle de mon copain marocain.

Naïve de moi, grosse erreur ! Quelle conne, pourquoi je lui en ai parlé !?

Vous voyez l’effet bénéfique que vous avez en sortant de chez un psy qui ne vous juge pas et vous aide à relativiser et à déculpabiliser. Eh bien, j’ai eu un effet contraire puissance dix. Je ne me rappelle plus exactement de ce qu’il m’a dit, mais après cet « incident » je ne suis plus allée me confesser pendant dix ans… En gros, mon copain a été traité de « diable incarné » et moi j’allais brûler en enfer si je ne rompais pas direct avec lui… Il m’a demandé de rompre avec lui immédiatement. Croyez-moi, pour une jeune femme sensible et très amoureuse, qui se battait déjà contre sa propre famille à ce sujet, entendre cela a été un véritable choc. Lui, un jeune homme plein d’amour, de rêves et de foi, traité de démon. Et moi, pire que rien, un ange déchu, une âme damnée.

Pas de paradis ni de salut pour moi. Qu’il en soit ainsi…

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« We’re just two lost souls
Swimming in a fish bowl
Year after year
Running over the same old ground
What have we found ?
The same old fears »
(« Wish You Were Here », Pink Floyd)

 

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