La vie est un sommeil, l’amour en est le rêve

« La chance que tu as avec ton mari qui t’aide à la maison et qui joue avec les enfants ! » Je ne compte plus les fois où j’ai entendu cette phrase.

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Oui, j’ai la chance, lorsqu’il m’apporte le café au lit après que je n’ai dormi que trois heures. Lorsqu’il me laisse dormir samedi matin jusqu’à midi car j’ai dormi environ quinze heures de lundi à vendredi. Et lorsqu’il prend en charge les enfants le matin, car j’ai encore saigné du nez en me levant trop vite…

Oui, j’ai beaucoup de chance. Aux yeux des personnes qui le disent, je suis une belle au bois dormant. Traduction : une gâtée pourrie. Une feignasse.

Quand j’étais bébé, je dormais énormément. Mes parents étaient très contents. On me lavait, je dormais. On me donnait à manger, je m’endormais. Une fois, ils ont même consulté un médecin pour demander si leur bébé était normal. Pas d’inquiétude, profitez-en d’avoir un bébé si tranquille.

Les bonnes fées m’ont donc tout donné : gentillesse, sensibilité, altruisme, charme naturel, intelligence… Mais la méchante fée a jeté sur moi un mauvais sort : j’ai besoin de dormir pour fonctionner normalement. J’ai besoin de dormir pour être heureuse. Ou pour ne pas être malheureuse. Et lorsqu’on est maman, lorsqu’on essaie d’être une bonne maman, ou juste la meilleure maman pour ses enfants, on ne dort pas…

C’est le jour J-1. La veille de notre mariage. J’ai pensé à tout. Je veux que tout soit parfait.

Mais j’ai oublié une chose. Je n’ai pas acheté de somnifère. Un wedding planner m’aurait peut-être conseillé d’en avoir un sur moi. Mais comme j’ai tout organisé toute seule, je n’y ai pas pensé… J’entends le ronflement de mon fiancé, nous serons mariés demain. Il dort paisiblement. En revanche dans ma tête c’est un vrai tourbillon. Est-ce que tout va se passer comme je l’ai imaginé depuis plus d’un an. Est-ce que nous ne serons pas en retard pour la cérémonie. Est-ce que tous les invités seront là. Est-ce que l’organisation et le repas seront impeccables…

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Le marchand de sable m’a complètement oubliée.

Deux heures. Trois heures… Je n’ai quasiment pas fermé les yeux. Le matin, lorsque l’esthéticienne me maquille, j’ai envie de pleurer. Non seulement je me sens très fatiguée, mais en plus il pleut (« Un mariage pluvieux, un mariage heureux ? » On en reparlera…) Finalement l’adrénaline me permettra de tenir debout toute la journée, toute la nuit, et une journée encore (la fête dure deux jours !). Souriante, aimable, épanouie.

Deux ans plus tard, ma première grossesse, je souffre d’insomnie. Pendant de longs mois, je ne m’endormirai qu’entre deux heures et trois heures du matin. Et je me lèverai à sept heures pour aller travailler. Tous les vendredis soir je me sens comme si j’avais fait un aller-retour France-USA. Heureusement que les week-ends sont là pour que je puisse me reposer un peu.

A sa naissance, mon bébé a un vrai décalage du rythme de sommeil, j’ai l’impression que mon insomnie est passée sur lui. Du coup il se croit aux « States ». Lorsqu’il faut dormir, il n’en a aucunement envie ni besoin. Et lorsqu’il s’endort, ce n’est pas pour très longtemps. Chaque nuit, il se réveille entre trois et cinq fois. Pendant environ trois ans. Ensuite entre une et trois fois jusqu’à ses cinq ans. Je ne peux pas prendre de cachets pour dormir car je l’allaite. Ensuite je retombe enceinte. J’allaite aussi le petit frère. A chaque fois que j’essaie de le sevrer il tombe malade… Il somatise. Je suis épuisée.

Mes enfants me vampirisent.

Mon grand, aujourd’hui sept ans, est toujours un petit dormeur très hyperactif. Complètement phobique à l’idée de devoir se coucher, il n’a pas dormi tout seul jusqu’à l’âge de cinq ans. C’est dur d’être maman lorsque votre bébé fait trois heures de sieste à la crèche, et personne n’entend lorsque vous suppliez les nounous et la direction de ne pas le laisser dormir autant. On vous explique que le rythme de l’enfant doit être respecté…

Et la santé mentale et physique des parents ?

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Combien de fois j’ai dit à mon mari :

« Éduquer les enfants, ce n’est pas compliqué. Les éduquer lorsqu’on ne dort pas, c’est une mission extrêmement difficile… »

Un soir de plus nous devons décider qui dormira, et qui s’occupera des enfants… Au bout de quelques années ce sera de plus en plus souvent lui qui se lèvera. Il supporte mieux le manque de sommeil et se rendort facilement. Oui, j’ai beaucoup de chance ! Je l’ai déjà entendue quelque part. Lui ne risque pas de se retrouver à l’hôpital psychiatrique, s’il continue à faire des nuits blanches. Pour moi, le manque de sommeil chronique est une vraie torture. Migraine. Nausées. Tournis.

Rêver la nuit a un effet cathartique. Je ne rêve pas pendant des années. A peine endormie, l’un des enfants pleure ou crie. Pas de catharsis pour moi. Tous les cauchemars de la vie s’amplifient. Je reste dans ma bulle de fatigue. Lointaine. Froide. Intouchable. Plus aucun moment d’intimité. Pas de temps. Pas de forces. On s’accroche à l’idée que ce sera plus simple lorsqu’ils grandiront. Mais d’autres problèmes apparaissent. Santé. Travail. Famille… On parle tellement de femmes frigides. De mamans qui n’ont plus aucune libido.

Imaginez que vous mourrez de faim. Penserez-vous à faire l’amour ?
Imaginez que vous mourrez de froid. Penserez-vous à faire l’amour ?
Imaginez que vous vous étouffez en manquant d’air ? Penserez-vous à faire l’amour ?

Eh bien, une maman qui meure de fatigue, qui n’a pas fait une nuit entière depuis des mois voire des années, pensez-vous que le besoin physiologue qu’elle a envie de satisfaire en premier, lorsqu’elle a cinq minutes de tranquillité, est-ce celui de faire l’amour ?

J’aime les enfants. J’adore les bébés. J’ai toujours voulu avoir trois enfants. Il y a quelques mois, j’ai bénéficié d’une ligature des trompes. J’ai ressenti un grand soulagement. Heureuse d’avoir cette liberté dans notre pays. Je ne veux pas prendre de risque de retomber dans une nouvelle période sans sommeil. Je ne serais pas capable d’avorter, si je tombais enceinte à nouveau… J’ai donc choisi cette solution qui est complètement naturelle, pas besoin de prendre de la chimie avec tous ses effets secondaires…

Le sommeil est un emprunt fait à la mort pour l’entretien de la vie.

Je suis en salle de réveil après l’intervention chirurgicale. Cet état de béatitude. Déjà réveillée, mais encore plongée dans une sorte de demi-sommeil. Calme absolu. Sérénité. Paix. Les problèmes n’existent plus…

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L’amour peut-il subsister à tout cela ?

Je pense que tout dépend de la définition que l’on donne à l’amour.

Lorsque nous n’avons plus aucune intimité, ce n’est pas parce que je ne l’aime plus. Rien à voir. Comment lui expliquer ? Je fais tellement d’efforts pour les petits. Et faut-il encore que je priorise ses besoins physiologiques aux miens ? Prioriser son besoin de faire l’amour à mon besoin de dormir ? Combien de fois je lui ai dit « Prends un RTT en semaine, le soir je suis fatiguée, mais par exemple à quatorze heures, je suis en forme… » Il priorise son travail.

Il faut savoir se décider !

Le prince charmant n’a pas compris que la princesse n’est pas frigide, mais que sa libido n’attend pas toute la journée pour qu’il rentre du boulot… Messieurs, réveillez-vous ! Si votre femme a la migraine le soir, mais qu’elle ait envie de faire l’amour à 14 heures, débrouillez-vous pour être là de temps en temps à 14 heures ! Sinon c’est le facteur ou le plombier qui vous remplacera. Du classique. Pas besoin de développer. Et pour les hommes dont les femmes travaillent, pourquoi ne pas leur proposer un déjeuner à l’extérieur, en tête-à-tête, elle et vous, une ou deux fois par mois ? Et en profiter pour éloigner d’elle toute idée de vous tromper avec son collègue si charmant ?

A vous de voir !

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Rien d’étonnant qu’on s’éloigne. Que la vie de couple soit quasiment inexistante.

Mais se dire qu’on ne s’aime plus ? Il faudrait peut-être commencer par soigner les causes, et non s’attaquer uniquement aux symptômes ? Le problème n’est pas dans le lien qui nous unit. Non, il n’a pas faibli. En fait il est encore plus fort, solidifié par toutes les épreuves passées ensemble.

Nous nous regardons. Fierté. Admiration. Reconnaissance.

Merci pour toutes les fois que tu t’es levé la nuit.
Merci pour tous ces cafés apportés au lit.
Et pour ta patience.
Dans la durée.
Malgré tout…

***

Cette nuit, je l’ai passée dans les bras de Morphée. J’ai fait un magnifique rêve. Je renais.

 

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Une réflexion sur “La vie est un sommeil, l’amour en est le rêve

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