Tout pour être heureuse… 1ère partie

Onze ans que nous nous connaissons, bientôt six ans de mariage, des enfants, une belle maison. Un mari qui fait baver toutes les femmes qu’il croise sur son chemin. Je n’ai qu’à gérer ma petite famille, pas de contraintes financières.

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Tout pour être heureuse. En apparence…

[Témoignage]

Février

Chaque jour comporte son lot de mots choisis et dilués avec soin, comme un poison en intraveineuse qui vous tue lentement. « Moi je travaille » « Tu ne fous rien », « Tu ne sers à rien », « Tu ne comprends rien », « Tais-toi, tu ne sais pas de quoi tu parles », « Tu n’as pas gérer ça, ci, etc. » « A part te plaindre, tu sais faire quelque chose ? » « Tout ce que tu entreprends, ça foire », « Sans moi, tu n’es rien », « Tu les as voulus les gosses, démerde toi avec. »

A force, on se convainc que c’est vrai. On ne sert à rien, à personne…
On ne crée que des problèmes, on est plus un poids qu’autre chose.

L’ainé est au lycée, le second au primaire et le dernier en maternelle. Je n’ai plus d’utilité. J’essaye de créer une société, pour me donner une légitimité, pour prouver que je suis capable… Prouver à qui ? A mon mari bien entendu. J’ai besoin de voir briller un peu de fierté dans ses yeux, j’ai besoin de croire que je ne suis pas un poids dans sa vie, j’ai besoin de retrouver un peu d’importance. De donner une légitimité à mes appels à l’aide.

Cela fait des années que je demande de l’aide. Mais rien. Lui travaille.

Alors comme lui travaille, que même si financièrement nous ne sommes pas à plaindre, lui a le droit de sortir une fois, puis deux puis trois fois dans la semaine. Mais « Tu comprends c’est pour le boulot ! ». Et toi tu restes chez toi, il faut bien garder les enfants. « On ne fait plus rien ensemble avec les gosses ! » Ça revient en boucle, je culpabilise à chaque fois qu’il me dit ça. Mais je n’ai pas fait des enfants pour les laisser dans un coin, et puis non ça fait cher la soirée si on paye quelqu’un pour les garder et sortir un peu.

Puis les problèmes s’accumulent… Financiers avec la maison, d’intimité, il n’est pas particulièrement demandeur alors que moi oui, les non-dits… Il part en vacances sans moi. Quinze jours par ci, un week-end par là… « Mais tu n’as qu’à faire pareil ! » est sa réponse favorite quand j’ose demander du temps pour nous.

Je rêve de temps à deux, il rêve de liberté, seul ou en meute. Incompréhension.

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Mars

Un décès vient tout faire trembler. Il perd un très bon ami à lui, qui depuis des années était devenu un bon ami à moi aussi. Mais je me dis que sa peine est plus grande. Je me fais un devoir de prendre sur moi, de l’accompagner au mieux. Le clan, son clan d’amis, se soude. Ils sont tout le temps ensemble. Je comprends. Je gère le quotidien, les enfants. Mes parents se séparent à ce moment-là. J’encaisse. Je récupère ma maman, effondrée, broyée. Je prends sur moi. Je soutiens. Silencieuse.

J’offre mes bras à tous ces gens qui souffrent. Je ne sais pas faire autre chose. Je suis forte… Du moins en apparence. Intérieurement je suis en miettes. Je n’ai plus de jus. Mais pour mon mari, ma maman, mes enfants, je fais bonne figure. Je réponds inlassablement que je vais bien. Même si je ne dors plus, je ne mange plus… Je ne travaille plus. J’ai anéanti le petit réseau que je venais de créer avec ma nouvelle activité. J’ai lâché tout le monde côté professionnel. Je ne peux pas être partout.

J’organise un repas avec le clan des amis de mon mari, je me dis que ça leur fera du bien de se voir dans un endroit neutre, de juste se poser et passer du temps ensemble. Je gère. Je console ma maman aussi, comme je peux. Je m’isole. Je les laisse entre eux, moi je gère l’intendance. Une discussion houleuse se fait entendre. Mon mari et deux amies à lui. Je ne sais pas à quel propos. Mais soudain l’une d’elle lance :

« Dans ton couple, la seule chose qui en vaut la peine, c’est ta femme ».

Les larmes m’assaillent, cette phrase résonne en moi. Je m’enferme dans les toilettes. Je pleure à chaudes larmes. J’ai besoin d’air, j’étouffe, je me sens sombrer, tomber. Comme la pierre est happée au fond de l’étang. Et personne ne le voit. Personne. Je m’enferme des heures durant dans les toilettes à pleurer. Je suis à bout.

Puis, les semaines passent. Chacun reprend son rythme, sa vie. Mon mari se jette dans le travail, pour nous, notre train de vie, les factures, les enfants, lui. Je me retrouve seule dans cette belle et grande maison à attendre que la journée se passe. Les mots désagréables reviennent, plus forts, plus souvent… Que cherche-t-il à me faire payer ? Je ne suis pas responsable…

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Avril

Un soir, un soir de trop…

Un repas avec des amis, une énième insulte, celle de trop. « Putain, mais c’est pas possible d’être aussi conne ! » alors que j’essaye de lui dire de ne pas se mêler d’une histoire entre nos amis et un copain à lui. Je me tais. Mais dans ma tête c’est la phrase de trop. Les amis partent.

« C’est quoi ton problème ? »
« J’en ai marre, on divorce !!! »

Voilà, la bombe est lâchée. Il rigole. Puis il réalise. Il pense que j’ai un amant. Tout ça parce que j’entretiens une correspondance avec un homme. C’est une oreille compatissante qui m’écoute, qui me rassure. Oui, qui me rassure, je ne suis pas stupide, je ne vaux pas moins que mon mari ou que qui que ce soit, oui je mérite comme tout être humain d’être bien traitée.

Tout va vite. Je ne me pose pas de questions. Je stoppe tout. Cela fait des années que j’y pense, que je cherche le dialogue mais qu’il hurle pour ne pas m’entendre, des années que je me dis que je dois attendre que les enfants soient grands. Mais là, non, je ne peux plus, j’en peux plus.

Je ne pense même pas que si je pars, je n’ai rien. Absolument rien. Pas de travail, pas d’argent puisque nous vivons sur son compte, la maison est à lui, les voitures aussi, le contrat de séparation de biens ne me donne droit à rien. Tant pis. Je survivrai. Je préfère ne rien avoir et ne rien devoir.

Juin

Je pars. Les enfants sont secoués, mais pas si surpris. Je pars.

Nous décidons d’une garde alternée. Parfait. Puis je cède à mon correspondant. Nous entretiendrons une liaison qui est belle, mais qui arrive trop tôt. Je ne le sais pas encore. L’été se passe. Je suis soulagée. Je vis enfin pour moi. Je bouge, je savoure le silence, je découvre ce que c’est de ne plus avoir le stress du linge, des repas. Je redécouvre ma liberté chérie. Mon mari est une ombre. Il souffre. Mais toutes ces tentatives glissent. Je n’écoute pas ses mots qui parlent de ses maux. Ses suppliques m’étouffent. Sa soudaine prise de conscience de son amour me semble feinte. J’ai besoin de temps. Mais il ne m’en laisse pas. Chaque jour des mots, des messages, des photos de nos jours heureux puis des critiques, des insultes…

En boucle.

Les amis… Quels amis ? Je me retrouve seule. Les gens ne m’appellent que pour savoir si c’est définitif. Personne ne me demande comment je vais. Personne. Tout le monde s’en fout de comment je vais. D’un autre côté, je crois que je vais bien. J’ai un poids qui s’est enlevé de mes épaules. Un poids immense, un poids vertigineux…

***

La suite de « Tout pour être heureuse… »

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