Le réveil sonne. Je n’ai aucune envie de me lever. J’ai regardé les infos et différents débats jusqu’à deux heures du matin…

J’éteins le réveil. Je commence à avoir mal à la tête en entendant les cris des enfants, levés depuis une bonne heure…
Ils regardent la télé et se battent pour la télécommande. En temps normal leurs cris cessent vite lorsque le grand part à l’école avec son père. Le petit tout seul est relativement calme. Mais là leurs disputes et bagarres ne cesseront pas. Du matin au soir. Pendant de longues semaines. Pendant tout le confinement, et aussi après puisque l’école ne reprendra pas tout de suite…
Leur papa est là aussi. 24h/24. Il essaie de faire du télétravail, mais avec deux petits garçons (limite) hyperactifs et extrêmement exigeants, qui le sollicitent non stop, qui le harcèlent pour qu’il joue avec eux, ce n’est vraiment pas gagné. Et moi, en ce début de confinement, je n’ai pas vraiment envie de jouer avec eux. OK pour l’école à la maison. J’aime bien jouer à la maîtresse. OK pour faire les repas, cela me détend. Je ferai aussi les courses alimentaires dans de petits magasins du quartier et en ligne, pour éviter à mon mari d’aller faire la queue à l’hypermarché. Il peut être contagieux…
L’un de ses collègues de bureau a été hospitalisé début mars avec de la fièvre et des problèmes respiratoires. Pour cette raison, nous avons été confinés six jours avant tous les Français.

Mon mari a ensuite eu quelques symptômes qui m’ont énormément angoissée. Sans parler de ma maman hospitalisée dans mon pays natal pour un problème de santé grave, indépendant de l’épidémie. Et aussi la maladie de mon père qui est dans le groupe à haut risque, tout comme ma maman. Alors tout cela pris ensemble, pas d’énergie pour jouer avec eux. J’ai eu une grosse crise d’angoisse qui a duré une semaine. Douleurs dans la poitrine. Insomnie… Donc OK pour un petit un tour du quartier en vélo ou en trottinette avec les enfants. Ou dix minutes de « Puissance 4 » avec le petit. Ou une partie d’échecs avec le grand.
Mais franchement ne me demandez pas d’en faire plus !
Je préfère regarder les infos… Tout savoir me donne l’impression d’avoir le contrôle de la situation. Une piste pour un traitement. Peu de cas dans mon pays natal donc mes proches à l’abri. Chaque nouvelle optimiste compte pour me sentir rassurée… On dit que les informations sont angoissantes. Pour moi ne pas savoir, ne pas être à jour, est source d’angoisse.
Si j’ai arrêté de travailler il y a deux ans et demi, c’était entre autres pour passer du temps avec les enfants. Les voir grandir. Les accompagner. Les protéger. Mais je n’ai pas signé pour 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Je suis trop attachée à ma liberté. J’adore être seule, pour écrire, dans ma bulle, lorsqu’ils sont à l’école. Et là impossible d’écrire dans ce vacarme ambiant. J’ai besoin de calme et de solitude pour écrire. Me voilà privée de tous les acquis de ces deux dernières années.
Le temps. L’espace. Le silence.

Je n’en ai plus. Je me sens envahie en permanence. La voix de mon mari au téléphone. Les dessins animés des enfants. Un énième repas à préparer. Nous ne sautons jamais les repas, c’est très important pour moi que les enfants mangent bien, héritage de ma maison familiale. Une visio avec leurs copains. Une classe virtuelle. Des fiches de maths et de français à n’en plus finir.
Si je ne le fais pas avec eux, ils ne feront rien…
La vie tourne en boucle. Je ne supporte pas cette routine. Comme je ne la supportais pas lorsque je travaillais en entreprise. Les jours se suivent. Quasiment identiques. Le confinement. D’abord en entreprise à regarder par la fenêtre le soleil au printemps et les arbres fleurir, sans la possibilité d’en profiter. Maintenant confinée à la maison à regarder la nature se réveiller et ne pas pouvoir en profiter…
Alors comme beaucoup de mamans à cette période si particulière, je rêve d’un confinement où je pourrais lire sans limites. Regarder des séries télévisées, faire de la méditation, prendre des bains relaxants ou, pour me sentir utile, coudre des masques ou faire les courses pour les personnes âgées. Et aussi continuer à écrire le roman que j’avais entamé. Mais cela relève de l’impossible à côté des petits êtres humains tellement bruyants, envahissants et vampirisant toute mon énergie.
Il faut rassurer le cadet, angoissé par la nouvelle situation. Et expliquer à l’aîné, très curieux, les « quoi, pourquoi et comment ».

Je repense à notre week-end à Londres fin novembre. Cette sensation de bien-être et de liberté en nous baladant sur les bords de la Tamise. Les fish&chips et l’Eurostar. J’étais heureuse. Je repense à la soirée privatisée chez Disney Studio offerte par l’entreprise de mon mari en janvier. Un super moment passé en famille. De la magie loin de la routine et de l’ennui. Le bonheur. Et je repense au concert de James Blunt, fin février, tous les deux, sans les enfants, pour ressouder notre couple. C’était génial. Et aussi à la neige dans mon pays natal où j’ai passé une semaine avec mon cadet tout début mars, juste avant le confinement… Toutes ces occasions de choper cette horrible maladie. Les aéroports blindés de monde. Le Parc Disney. Le Zénith de Paris. Et tous les autres endroits remplis de monde où nous avons été… L’avons-nous eue ?
Je fouille parmi ces merveilleux et précieux souvenirs. Ces moments de grâce que je garde bien au chaud et qui réchauffent aujourd’hui mon cœur. Dans l’espoir d’en revivre de nouveaux et encore plus beaux très vite. Et surtout très hâte d’en offrir aux enfants.
Mais en attendant le retour des beaux jours, je passe l’aspirateur pour la deuxième fois aujourd’hui et j’arrose nos jolis arbustes qui ont fleuri en blanc et violet. Ça sent bon. Franchement je ne peux pas me plaindre. Nous ne manquons de rien. On mange bien (trop !). Nous avons une belle terrasse. Les enfants peuvent jouer en bas de la résidence. Notre boulangerie propose des fruits et légumes Bio à prix abordable. Et de la farine et des œufs frais ! Pas de pénurie de farine dans notre quartier ! Je concocte donc des omelettes, crêpes, gaufres et pancakes.

Mon mari fait des gâteaux au chocolat et des tartes à la pomme.
Je ne l’engueule plus le soir comme avant lorsqu’il rentrait trop tard. Il ne me demande plus ce que j’ai fait de ma journée puisqu’il voit bien tout ce qu’il y a à faire et ce que je fais. Moins de tensions entre nous deux. Beaucoup plus solidaires face aux petits monstres que nous devons gérer, ensemble, du matin au soir. Tous les repas pris ensemble. Une famille unie. Pas parfaite. Ça n’existe pas une famille parfaite. Mais nous faisons de notre mieux pour que cette période nous apporte davantage de bénéfices que d’inconvénients.
Un vrai défi, comme pour tout le monde. Nous aimons les défis…
Et ce que j’apprécie tout particulièrement, c’est que plus personne ne me met la pression : « Alors ton activité ça marche bien ? » ou « T’en es où de ton permis ? » Pas de chef pour me mettre la pression. Personne à qui rendre des comptes. Je n’imagine même pas comment je ferais si je devais télé-travailler pour quelqu’un comme le font certaines copines, salariées et mamans d’enfants en bas âge. Certaines n’ont plus envie de retourner travailler ayant goûté à cette nouvelle vie. D’autres n’en peuvent plus de cet enfermement et de leurs enfants turbulents, elles rêvent de retourner vite au bureau. On s’adapte toutes, plus ou moins bien, comme on peut.

Les priorités ont changé pour beaucoup d’entre nous. Les miennes avaient changé bien avant. Peu de personnes semblaient me comprendre…
Mais si aujourd’hui j’étais amenée à devoir choisir entre :
Option 1) Passer mes journées au bureau et ne voir les enfants que le soir et le week-end, gagner plein d’argent et partir une ou deux fois en vacances à l’autre bout du monde, ou :
Option 2) prolonger cette période de confinement, certes sans les sorties ni activités extérieures ni voyages lointains, mais en mettant l’accent sur l’essentiel : moins de consommation, moins de gaspillage, moins de déplacements, moins de pollution…
Que choisirais-je ?
J’aime l’harmonie et l’équilibre. Je n’aime pas les excès.
Un juste milieu entre les deux est certainement la réponse. Non seulement pour moi, mais pour tout le monde. Vivre confinés ne nous rendra pas heureux. Mais revenir au rythme et au système d’avant nous mènera(it) au désastre sur le plan individuel et collectif…

Le réveil sonne. Le confinement est terminé. Que ferons-nous de cette expérience ? Quels changements amènerons-nous dans nos vies ? Qu’est-ce qui compte vraiment ?
***
Je souhaite rendre hommage à toutes les personnes qui étaient au service des autres pendant que nous faisions des gâteaux : médecins, infirmières, aides-soignantes, policiers, hôtesses de caisses, boulangers, éboueurs, et tous les autres qui étaient séparées de leurs proches et de leurs enfants en risquant leur vie, et pour certain(e)s en la sacrifiant, au service de la société.
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