Comme je te disais, ton premier texte « Sept ans de mariage » est très parlant pour moi.
J’étais une petite fille comme toutes les autres qui rêvait d’un prince charmant, d’un beau mariage, d’une jolie maison remplie d’enfants…
[Témoignage]
Ça y est, on y est. J’ai 36 ans, mariée, 3 enfants, une belle maison achetée avec mon mari, une voiture familiale et notre chien fidèle à nos côtés.
J’ai un mari formidable, prêt à tout pour sa famille. Travailleur, c’est un vieux de la vieille, pour lui c’est l’homme qui doit ramener l’argent à la maison. Il me laisse libre sur mon choix de prendre mes congés parentaux pour me consacrer aux enfants et m’occuper de la maison. Bricoleur, je demande, il fait. C’est un homme manuel, très doué de ces mains.
C’est un papa poule. Il joue avec les enfants, leur fait le bain, leur raconte des histoires, leur fait des câlins. Et pourtant, enfant, il n’a pas du tout eu ce modèle-là. Parents divorcés jeunes, une haine sans fin entre eux, aucun amour reçu de leur part. Bref, un écorché vif sur le plan sentimental, il n’a gardé aucun lien affectif avec eux, il ne les voit quasiment plus.
Mon mari a treize ans de plus que moi, mais cela ne nous pose aucun problème. On passe au-dessus et on file vers notre histoire sans se poser la moindre question. Pour nous c’est limpide, on sait ce qu’on veut. Nous avons les mêmes envies et les mêmes projets d’avenir. Très amoureux, rien ne nous arrête. Des mots tendres, des appels tous les midis, dès « je t’aime » à n’en plus finir, des petits cadeaux, des balades romantiques. Nous nous marions deux ans après notre rencontre.
En arrivant dans notre ville, une fois installés, je m’inscris dans une école de danse. La danse est ma passion.
J’ai toujours admiré les couples qui dansent et j’adore ça. Mon mari beaucoup moins. Je crois qu’au début de notre relation, c’était la seule chose qui différait chez nous.
Au fil des années, la danse devient ma bouffée d’oxygène. Il me laisse y aller, même s’il n’apprécie pas énormément de rester seul avec les enfants tous les vendredis, et parfois aussi au milieu de la semaine, quand nous organisons une sortie entre les personnes inscrites dans l’école. Pendant ces moments, je suis une autre femme. Je profite de l’ambiance, je rigole, je me laisse aller, je me donne à fond.
En me lisant, tu te dis : « Quelle chance, cette nana a tout pour être heureuse ! » Et pourtant…
J’aimerais tellement que mon mari vienne danser avec moi. Une fois, il a fait un effort, mais n’a pas du tout aimé. Depuis, je n’ose plus lui demander…
Aujourd’hui, comme dans la plupart des couples, une routine s’est installée. Monsieur rentre fatigué, ne se préoccupe pas de mes journées à moi, il s’endort très facilement sur le canapé devant la télé. Depuis maintenant presque un an, ça va de mal en pis. Des crises de couple, nous ne nous comprenons plus. Lui très planplan, ne veut jamais rien faire ni sortir, il reste cool à la maison. Je fais ce que je peux pour lui plaire, me maquiller, mettre des robes. Mais il ne remarque rien. Ce qui me manque le plus, ce sont ces petites intentions du début. Je ne sais plus comment c’était lorsqu’il arrivait derrière moi quand je cuisinais pour me serrer fort et posait un petit baiser chaud dans mon cou. J’ai l’impression d’être un meuble, d’être acquise, point.
Je lui ai dit il y a trois semaines qu’il me perdait doucement, mais sûrement. Il n’a pas bougé le petit doigt… Aucune réaction.
Mon congé parental arrive bientôt à son terme. J’ai décidé de reprendre le travail, pour le confort financier, mais aussi pour reprendre une vie sociale. Mon mari n’est finalement pas fermé à cette idée. Me voilà lancée dans une formation pour une nouvelle carrière. Je passe mon examen haut la main et avec les félicitations du jury. Youpi ! Je suis encore capable de réussir quelque chose par moi-même.
A partir de ce moment, un petit et subtil changement s’opère en moi. Je peux faire autre chose que d’être maman, femme de ménage, taxi, lingère, infirmière, épouse de…
A la maison les choses se compliquent. Son patron parle de fermeture et de licenciements. Du coup, il s’enferme encore plus dans sa bulle. Je lui colle aux baskets, le tanne, le questionne sans cesse, mais la réponse est toujours la même : « Pfff c’est bon, ça va, arrêtes, tu me fatigues. » Rien n’y fait. Je commence à cogiter, à torturer mon esprit. Cela ne fait qu’amplifier ma détresse et mon désarroi. Il ne m’aime plus, j’en suis certaine. Je n’insiste plus. Je le laisse dans sa bulle. J’abandonne.
Dans un coin de ma tête ressurgit « L’AUTRE » et le plaisir du compliment retenu lors de la dernière répète. Mon partenaire, avec qui je danse depuis deux ans, est toujours de bonne humeur et plaisante pour me détendre.
Au début de notre relation, cela reste très courtois et presque fraternel, amical. Avec le temps, ses « bonjours » se font de plus en plus chaleureux, même légèrement entreprenants. Je ne le repousse pas, toute en gardant mes distances, mais en flirtant un peu de tout même. Pourquoi pas finalement, même si ce n’est pas dans mon éducation ni mon éthique d’envisager de tromper mon mari. Nous rigolons de tout et rien. Un regard et l’on se comprend. Pourquoi lui voit les choses ce que mon mari ne voit pas ?
Les semaines me semblent de plus en plus longues. J’attends de plus en plus impatiemment les vendredis soir. Il sera là pour me dévorer des yeux. Il sera prévenant. Une petite caresse sur la joue, le sourire en coin qui fait chaud au cœur. Je culpabilise. Pour moi nous sommes déjà dans la tromperie, c’est déjà trop, rien qu’à y penser, rien qu’à imaginer.
Les enfants commencent à me réclamer. « Maman tu pars encore danser ? Tu vas rentrer à qu’elle heure ? »
Quand je rentre tard, ils sont déjà endormis. Je file à la douche et me couche sans un mot ou un regard pour mon mari. Je quitte de plus en plus souvent le lit conjugal pour dormir sur le canapé. Et pourtant, avant nous étions si proches, si complices, en pleine osmose sur le plan sentimental et physique. J’y repense. Les bons souvenirs m’envahissent. Je déprime, je ne dors plus… J’essaie de trouver des réponses, mais mon cerveau tourne en boucle. Un mois, deux mois…
La fatigue commence à se faire ressentir. Je m’éteins petit à petit. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Ma tête en dit long sur mon état d’esprit, je n’arrive plus à le cacher. Mon partenaire de danse se préoccupe de mon état. Il est devenu mon confident. Je n’arrive pas à me l’avouer, mais je commence à imaginer ma vie à ses côtés. Nous devenons de plus en plus complices, dans son couple ce n’est pas la joie non plus.
On se soutient mutuellement, on se rapproche dangereusement… Et un jour, fatalement, il m’embrasse.
Je n’ai pas la force de reculer. Et je n’ai surtout pas envie de le repousser.
A partir de ce moment, tout se bouscule dans ma tête, les journées passent et je ne pense plus qu’à ce baiser. On s’appelle régulièrement, on se construit un avenir fictif. Ce serait tellement bien, un second souffle, finie la torture ! Je me surprends même à me dire :
« Bah, écoute, laisse les enfants avec papa à la maison et pars. File te sentir libre et vivante. C’est un papa formidable, ils seront heureux avec lui. »
Je commence à y croire, que c’est possible, je fais des plans. Mais de temps en temps, j’ai des sursauts de lucidité, la réalité reprend le dessus, lorsque je vois les enfants câliner leur papa. Pourquoi leur enlever tout cela ?! Suis-je tellement égoïste, capable de tout casser en un claquement de doigts ?! Pour quelques danses qui m’ont fait tourner la tête ?
Un jour c’est clair dans ma tête, le lendemain c’est tout le contraire.
« Me suis-je mariée pour divorcer ? » « Pour le meilleur et pour le pire, n’ai-je pas signé pour ça ? »
Comment mon mari réagira-t-il ? Et s’il déprime et ne peut plus s’occuper des enfants ? Il n’a personne à part moi. Et la cohabitation avec l’autre, va-t-elle se faire si facilement ? Mais la question primordiale : est-ce que j’aime encore mon mari ? Je lui en veux de ne pas voir qu’un autre pourrait prendre sa place. J’aimerais tellement qu’il réagisse, qu’il se batte pour me récupérer.
Je n’arrive pas à répondre à toutes ces questions. Je me sens complètement démunie, et je ne peux pas en parler autour de moi, dans ma famille on ne parle pas de ça. Je suis dans un flou total. Je surfe sur le net. Je recherche des articles sur l’impact du divorce sur les enfants, sur le coût des procédures légales.
Au milieu de tout cela, la décision est tombée, l’entreprise de mon mari va fermer.
Je n’arrive même plus à le soutenir, à lui dire que ça va aller. Après tout, il s’en fiche de moi, de mon mal-être à moi. Il s’entête dans son silence. Il n’a qu’à se débrouiller tout seul. Je commence à me persuader que c’est la bonne décision de le laisser tomber avec tous ses problèmes. Je continue mes recherches sur les modalités et les conséquences du divorce. Lire à ce sujet me permet d’arrêter de me marteler le cerveau. Je décide de passer à l’action.
Un titre sur Facebook m’interpelle : « Sept ans de mariage« . Plus j’avance dans ma lecture, plus je me retrouve dans ces phrases. D’un côté, cela me soulage de savoir que je ne suis pas la seule femme à passer par là, mais en même temps l’article ne répond pas à mes questions. Après hésitation, je décide de lui écrire. En quelques lignes, je lui explique ma situation. « TOUT POUR ÊTRE HEUREUSE » me répond. Nous échangeons par messages privés. Cela fait du bien de se confier à quelqu’un qui me comprend. C’est bête, car c’est une inconnue derrière un écran. Suis-je devenue folle pour me confier à quelqu’un que je ne connais pas ?
Mais la magie s’opère. Elle ne me juge pas. Elle répond à mes questions. Et surtout, elle me fait me poser les bonnes questions…
♪ “You broke my heart ’cause I couldn’t dance,
You didn’t even want me around,
And now I’m back to let you know,
I can really shake ’em down” ♪
(Chanson “Do you love me ?” du film “Dirty Dancing 2017”, lien non sponsorisé)
Je la remercie pour son écoute, son temps qu’elle m’a consacré, sa patience. Sans elle j’aurais fait une grosse bêtise et j’aurais perdu tout ce que j’ai pour être heureuse. Et merci pour mon mari. Après tout, s’il me demandait d’aller jouer au foot avec lui, je n’irais pas non plus…