Attends que je rentre à la maison

Il rentre de plus en plus tard. Je ne m’endors jamais avant son retour. Je résiste au sommeil. J’attends. J’écoute.

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J’entends des pas dans la cage d’escalier. Non, encore une fois ce n’était pas lui, juste la voisine. Plus la soirée avance, plus la tension monte. Ça y est, j’entends la clé qui tourne dans la porte. Il est rentré. Je suis soulagée. Je peux m’endormir…

Parfois je m’endors avant qu’il ne soit là. Il est très tard, il ne rentrera pas ce soir. Je souffre en silence, il ne faut pas réveiller tout le monde. Je ravale les larmes. Le matin au réveil j’ai encore un petit espoir qu’il est rentré très tard dans la nuit quand j’étais endormie… Non, il n’est pas là. Encore une matinée grise malgré le soleil dehors. Mon cœur saigne. Ma tête ne conçois pas qu’il puisse être méchant à ce point, qu’il puisse ne pas nous aimer, ou ne pas nous aimer suffisamment pour ne pas être là pour nous tous les soirs.

Mais lorsqu’il est là, il est très présent. Nous multiplions des activités en famille : des jeux de société, des balades en vélo, des sorties au cirque.

Le fait-il par amour ou juste par obligation ?

Il a l’air de prendre un réel plaisir d’être avec nous. Alors pourquoi nous inflige-t-il ces longues soirées sans lui ? Et que fait-il quand il n’est pas là ? Reste-t-il au bureau pour travailler ? Joue-t-il au poker avec ses copains ? A-t-il une maîtresse ? Je ne peux pas lui poser la question ouvertement… De toute façon il ne me répondrait pas, sinon il serait obligé de mentir. Ou pire ! Il pourrait partir pour de bon si jamais on le brusque trop…

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La fête foraine, c’est génial. On rit aux éclats. On oublie les soucis. On est ancrés dans le présent. Rien d’autre n’importe. Après tout, la vie est comme le manège, n’est-ce pas ? Ou plutôt comme une montagne russe avec des hauts et des bas. On profite à fond quand ça va, et il suffit de serrer les dents un peu plus fort quand la période est difficile. Notre manège préféré, c’est la grande roue. Elle avance lentement. Pourvu que ça dure éternellement, qu’il reste là avec nous pour toujours. Je refuse de descendre, je voudrais que ce week-end ne s’arrête jamais.

Avec le temps, je commence à m’y habituer. Ce n’est pas grave. Je prends ce qu’il y a à prendre. Je profite des moments passés ensemble. Le reste n’a aucune importance. Je fais le tri et ne garde que les bons souvenirs.

Il n’est pas méchant. Il nous aime. Je lui pardonne même si je n’oublie pas. Ai-je vraiment le choix ?

Il ne nous a pas abandonnés, c’est l’essentiel. Un autre à sa place serait déjà parti et jamais revenu, cela arrive tellement souvent. Peu importe s’il mène une double vie. Et puis, est-il vraiment le seul responsable de cette situation ? Je sais que rien n’est blanc ni noir dans la vie. Cela m’aide à ne pas trop lui en vouloir et de continuer à avancer comme si de rien n’était.

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La famille ferme les yeux sur ce qui se passe. Il est très sociable, toujours présent aux repas familiaux. Il parle, il raconte des blagues, toujours très à l’aise, un bon vivant. Il sort toujours une bonne carte pour se faire pardonner. Il a trouvé son équilibre à lui et n’a pas l’air de souffrir de cette situation. J’arrive à me persuader que nous avons énormément de chance. Même si son frère jumeau n’est pas du tout comme lui. J’envie sa femme et ses enfants. Il ne leur ferait jamais subir ce que nous sommes en train de vivre.

Alors serait-ce juste une question de tempérament et non d’éducation ?

Deux frères jumeaux, pas du tout comme deux gouttes d’eau sur ce plan ? Sa mère le défend toujours. Ils ont un lien affectif très fort. Ne s’est-elle jamais mise à la place de sa belle-fille ? N’a-t-elle jamais essayé de raisonner son fils bien-aimé, de lui faire ouvrir les yeux sur ses erreurs ?

Dimanche, bien rasé, costume-cravate, de l’eau de Cologne, il va à la messe. Demande-t-il le pardon pour ses péchés ? Prie-t-il pour s’améliorer ou bien cherche-t-il la force pour continuer à nous supporter ?

La vie continue. Il y a des disputes bien sûr. Parfois c’est très difficile, il peut être très dur dans ses paroles, dans son regard. Je n’aime pas du tout ces moments-là. Certains soirs je me dis que ce serait bien s’il ne rentrait pas. Un peu de calme et d’apaisement.

Tant pis pour lui. Go to hell !

Et une année, la veille de Noël, tout est prêt. Le sapin de Noël est magnifiquement décoré. La table est dressée. Les étoiles commencent à parsemer le ciel. Je deviens de plus en plus anxieuse, il devrait être déjà là. A-t-il eu un accident ? Je ne vois pas d’autre éventualité. Il ne nous ferait pas « ça » à Noël, pas à Noël…

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Après ce Noël que nous avons passé sans lui, l’atmosphère à la maison devient de plus en plus lourde. Je ne vois pas le bout du tunnel. J’ai l’impression que c’est sans issue… Avec le temps, les sorties dominicales se raréfient. Sa présence est de moins en moins bénéfique. De plus en plus de tensions. Ce n’est pas chose simple de garder un équilibre. Ne pas péter les plombs face à autant d’hypocrisie, face à ce manque de retenue.

Se taire.

Notre maison est comme un château de sable. Je sais qu’il peut s’écrouler très facilement. Donc il faut à tout prix éviter les tremblements de terre. Je m’accroche à cette stabilité et à la sécurité qu’il nous offre. Malgré mon tempérament plutôt fort, j’apprends à rester silencieuse, impassible face aux imperfections et faiblesses de cet homme. Ne sommes-nous déjà gagnants ? Pourquoi demander tout si l’on peut avoir un peu. Après tout, ce n’est pas si grave par rapport aux problèmes de certaines personnes. J’apprends à relativiser, à nuancer sur l’échiquier de l’existence… Allez, on se reprend. Demain soir il sera là.

***

Et puis, un jour, c’est moi qui pars, je quitte la maison en emmenant avec moi tout ce bagage. Je suis devenue une femme forte et indépendante. Une femme qui a un peu de mal à faire confiance à un homme, mais qui a appris à faire la part des choses et connaît la notion du compromis. Après tout, nous ne sommes que des humains…

***

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J’entends le claquement de la porte. Il entre dans la chambre, me chatouille les pieds et pose un baiser sur mon front.
« Fais de beaux rêves ma petite déesse chérie »
– « Bonne nuit papa »…

♪ “So you can keep me
Inside the pocket of your ripped jeans
Holding me close until our eyes meet
You won’t ever be alone, wait for me to come home” ♪
(Ed Sheeran, « Photograph » , pour écouter le morceau, c’est par ici lien non sponsorisé)

 

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4 réflexions sur “Attends que je rentre à la maison

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